Rapporteur Le GR 21 réunit, au sein de la Société Française d Ce texte
reprend celui du dossier établi en mai 2001 (15 ans
après), en l’actualisant ou en
apportant des compléments. Les
modifications portent essentiellement sur la
présentation générale, les § 1.1 – 3.9 – 4.2
– 4.4 –
4.5 et la
bibliographie. Cliquez sur le
titre de chapitre pour l’atteindre L'accident de Tchernobyl LE Dossier
16 ANS APRES Première partie : l'accident et sa gestion technique 1.2. Le scenario de l'accident 1.3. Les diverses causes de l'accident 1.5. Les mesures d'assainissement radioactif 1.6. L'assistance technique et financiere
internationale 1.6.1. Aspects politiques et financiers 1.6.2. Le projet SIP (Shelter Implementation Plan) 1.7. Les enseignements tirés de l'accident Deuxième partie : les contaminations et les doses 2.1. Les rejets d'éléments radioactifs 2.3. Les mouvements de population 2.4. Les doses reçues par la population évacuée 2.4.1. Doses par exposition externe 2.4.2. Doses par exposition interne 2.5. Les contaminations et les doses dans les
zones non evacuees Troisième partie : les effets sanitaires 3.1. Les conséquences sanitaires dans les
Républiques de l'ex-URSS 3.2. Les effets "déterministes" 3.3. Les effets aleatoires (ou
"stochastiques") 3.3.2. Les cancers de la thyroïde 3.3.4. Autres tumeurs solides. 3.4. Les affections congénitales 3.5. Autres affections (psychologiques et autres). 3.8. Les coopérations médicales internationales 3.9. Les Conclusions de la conférence de kiev Quatrième partie : Conséquences dans d'autres pays européens. Cas de la
France 4.2. La contamination du territoire national 4.3. Les doses reçues par la population française 4.4. Les effets sanitaires en france 4.5. Rappel et reflexions sur la communication Annexe : LES EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR L'HOMME (RAPPELS GENERAUX). 5. Les principes et normes de
radioprotection. 6. Expositions courantes au
rayonnement 7. Activités couramment
rencontrées dans la nature Le 26 avril 1986, à 01.23. Cette catastrophe dont les multiples conséquences sanitaires, économiques et sociales, directes ou indirectes, ont affecté l'Ukraine, la Belarus et la Fédération de Russie ont eu bien d'autres répercussions nationales et internationales : sans doute a-t-elle achevé de convaincre Mikhaïl Gorbatchev, au pouvoir depuis un an, d'accélérer les réformes de l'URSS (perestroïka, glasnost); mais le monde entier, déjà ébranlé par l'accident de la centrale de Three Mile Island survenu sept ans plus tôt, s'est à nouveau interrogé sur les risques que faisait courir l'énergie nucléaire, et dans nombre de pays européens sous le vent des retombées radioactives, l'émotion et l'inquiétude des populations ont conduit plusieurs gouvernements à réviser considérablement leurs programmes. Pris de court, et sans information directe en provenance de l' URSS durant les quatre mois qui ont suivi, les experts des pays occidentaux ont eu beaucoup de mal à donner à chaud des réponses satisfaisantes aux questions des médias, d'autant que certains problèmes nouveaux, par exemple sur l'évolution de la contamination de l'environnement, se posaient à eux. Actuellement, les conséquences sanitaires de l'accident dans les pays les plus affectés font encore l'objet de polémiques hors des cercles restreints de spécialistes, et les estimations les plus fantaisistes circulent sur le nombre réel de victimes déjà recensées ou de personnes "potentiellement condamnées". En France, nombreux sont ceux qui sont convaincus que notre pays a réellement souffert des retombées constatées sur notre sol. Il y a, il est vrai, de réelles difficultés à connaître précisément les effets de la catastrophe, du fait que ces effets, s'ils existent, sont dans de nombreux cas masqués par les occurrences spontanées de même nature. C'est notamment le cas tant pour les "liquidateurs"[1] que pour les populations concernées en Ukraine, Belarus et Russie, pour les leucémies et cancers autres que ceux de la thyroïde; c'est également le cas en France pour les cancers de la thyroïde. Les études épidémiologiques sont impuissantes à discerner les pathologies provoquées par les rayonnements parmi l'ensemble des pathologies observées[2]. Comment s'étonner, dans ces conditions, que certains attribuent à la catastrophe toutes les pathologies, alors que d'autres considèrent qu'on ne peut rien lui attribuer ? Il existe cependant un domaine où
le "bruit de fond" ne masque pas les conséquences de la catastrophe :
il s'agit des cancers de la thyroïde des enfants nés avant l'accident dans les
régions du Belarus, de l'Ukraine et de la Russie ayant subi de fortes retombées
d'iode radioactif. Ces cancers d'enfants sont normalement rares, alors qu'une
épidémie est apparue dans ces régions au bout d'un temps de latence de quatre
années et se poursuit encore aujourd'hui. Selon le Comité Scientifique des
Nations Unies sur l'effet des Rayonnements Atomiques (nous utiliserons le sigle
anglais UNSCEAR[3]),
ces cancers sont bien recensés et on en aurait dénombré 1800 à fin 1998. Une
autre organisation internationale, le Bureau des
Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires[4] (en anglais OCHA) a cependant publié,
début 2000, un communiqué faisant état de plus de 11 000 cas, sans indiquer ses
sources ; ce chiffre a été abondamment repris par les médias
et le
président de l'UNSCEAR s'est ému auprès du Secrétaire Général des Nations Unies
d'une telle information, infondée selon lui[5].
Autant des opinions différentes pouvaient s'expliquer lorsque les
effets de la catastrophe étaient indiscernables du bruit de
fond, autant elles ne s'expliquaient pas dans ce cas
ci. M.Kofi Annan a alors
décidé d’organiser à Kiev, du 4 au 8 juin 2001, une troisième conférence sur
les « effets sanitaires de l’accident de
Tchernobyl », en y convoquant des représentants de l’ UNSCEAR, de l’ OCHA, de
L’Agence Internationale de l’ Energie Atomique (AIEA) et
de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), aux côtés d’organismes
compétents des trois républiques concernées de l’ex-URSS[6]. Nous ferons
part dans ce dossier des conclusions de cette dernière conférence. A plusieurs reprises, la dernière
en 1996, la SFEN a tenté de trier dans les informations données par les médias
"le vrai, du faux et de l'incertain"[7].
Notre objectif ici est de rassembler et condenser du mieux possible les
informations disponibles sur les causes et conséquences de cet accident en
renvoyant le lecteur à des rapports plus détaillés et bien documentés. Nous
nous appuierons essentiellement sur les rapports de l'UNSCEAR, dont celui
d'avril 2001, La prudence
s’impose. La validation des données scientifiques,
est une étape obligée de la connaissance des faits, est mal comprise
de l'opinion Ces données, matière
première de la théorie scientifique, sont acquises lentement, vérifiées,
évaluées par les pairs, confrontées au doute systématique et organisées dans un
ensemble cohérent par un jeu d'hypothèses annoncées[9].
Les scientifiques condamnent de manière stricte toute manipulation dans
l'acquisition du fait expérimental (ou épidémiologique) qui sera transformé en
donnée scientifique : ce point très sensible est l'occasion régulière de procès
faits aux auteurs indélicats. Ces caractéristiques opposent évidemment la
connaissance scientifique, résultat d'une procédure universelle, à
l'information, qui n'obéit qu'à la bonne foi de ses auteurs dans les cas les
plus favorables. Le
présent document est divisé en quatre parties. - la première traite de l'accident proprement dit
en s'étendant sur son déroulement et ses causes, - la seconde rappelle les rejets de
radioactivité, les contaminations, les évacuations de la population et les
doses qui en ont découlé dans l'ex-URSS, - la troisième expose les conséquences sanitaires
connues à ce jour dans les pays de l'ex-URSS, - la dernière a trait aux conséquences constatées
dans d'autres pays d'Europe et particulièrement en France (contaminations,
irradiations, risques sanitaires). Les problèmes de communication rencontrés
dans le passé sont évoqués. L'annexe rappelle les notions principales de radioprotection utiles à la compréhension du texte (définitions, unités, effets des rayonnements, niveaux d'irradiation courants). 1.1. Le site et le réacteur
L'accident est advenu, lors d'un essai de sécurité
mal conduit, sur la tranche la plus récente du complexe électronucléaire de
Tchernobyl situé à un peu plus de cent kilomètres au
nord de Kiev, capitale de l'Ukraine (2,6 millions
d'habitants), et à une vingtaine de kilomètres au sud de la frontière du
Belarus. Le complexe comportait quatre réacteurs du type RBMK en fonctionnement
et deux en construction. Le refroidissement des réacteurs était assuré par
l'eau d'un lac artificiel construit sur la rivière Pripiat, affluent du Dniepr. La ville ancienne de Tchernobyl (12 500 habitants)
se trouve à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la centrale et une cité
nouvelle (Pripiat) de 50 000 habitants avait été construite à sa proximité (à 3
km) pour accueillir les personnels d'exploitation et
leurs familles. Le pays, boisé, avait une faible densité de population
(115 000 à 135 000 habitants au total dans un rayon de 30 km). Les réacteurs du type RBMK ont été
développés pour produire de l'électricité
et, à
la demande, du plutonium de qualité militaire.
Certaines caractéristiques techniques en découlent, notamment le fait de
placer le combustible dans des « tubes
de force » pour permettre
le déchargement du combustible, réacteur en marche, ce qui permet d'ajuster le
taux d'irradiation de ce dernier à la valeur désirée. Cette technique permet
aussi de réaliser des unités de grande puissance sans avoir à forger et à transporter
de grosses cuves, opérations délicates que ne maîtrisait pas l’URSS à
cette époque. Ces réacteurs n'ont jamais été exportés hors de
l'URSS et étaient donc mal connus du monde occidental. Le premier de ce type a
été construit à Obninsk en 1954 et le premier 1000 MW a été couplé en 1973 à la
centrale de Leningrad. Une des particularités de ces réacteurs est d'avoir
un "coefficient de vide
positif", c'est à dire que, si la proportion
de vapeur s'accroît pour une raison ou une autre (crise d'ébullition locale ou
globale par baisse de pression, cavitation des pompes, augmentation de
température), la réactivité du cœur augmente. A forte puissance, ce
phénomène est plus que compensé par le coefficient de température négatif du
combustible, mais à basse puissance, le réacteur peut souffrir d'une réactivité instable.[10] L'encadré ci-après résume ses principales caractéristiques techniques : Le réacteur n°4 de Tchernobyl,
d'une puissance nominale de 3200 MWth (1000 MWe), en service depuis décembre 1983 avec un excellent
facteur de charge était formé d'un empilement de graphite (modérateur) de 12 m
de diamètre et 8 m de hauteur (masse 8500t), traversé par 1660 tubes de force verticaux de 7 m de hauteur en zirconium allié à du niobium, d’épaisseur 4
mm, contenant le combustible (en tout 190 tonnes d'uranium enrichi
à 2% sous forme d'oxyde) et 211 canaux
pour barres de contrôle. Le combustible était refroidi par une circulation
d'eau sous pression (liquide à 270° sous 82 bars à l'entrée des tubes de force, puis bouillante à 285°C sous 70 bars, avec un
titre de vapeur de 14.5%) tandis que l'empilement était refroidi par un
mélange d'azote et d'hélium. La vapeur produite faisait fonctionner deux
turboalternateurs de 500 MWe. 1.2. Le
scenario de l'accident
Avant d'arrêter la tranche 4 de la centrale pour une
période normale de maintenance, l'exploitant avait
prévu d'effectuer dans l'après-midi du vendredi 25 avril, un essai déjà réalisé
sur d'autres réacteurs RBMK, ayant pour but de vérifier qu'en cas de perte du réseau
électrique extérieur, les systèmes de sauvegarde (pompes de circulation, barres
de contrôle, alimentation des sectionnements, contrôle commande) pouvaient être
alimentés par le turboalternateur en attendant leur reprise en
secours par les diesels. Les essais réalisés précédemment avaient montré que le
système de régulation de l'excitatrice devait être ajusté si l'on voulait
maintenir une intensité acceptable le temps voulu pendant le ralentissement du
groupe turboalternateur. Plusieurs péripéties ont conduit à retarder cet essai. A la
demande du répartiteur d'énergie de Kiev, la baisse programmée de puissance
entamée le 25 avril à 1h06 du matin, a été
interrompue à 14h, et le réacteur est resté alors à mi-puissance
sur un seul turboalternateur durant neuf heures, ce qui a entraîné un
empoisonnement Xénon du cœur, avec une distribution "à deux bosses"
du flux axial des neutrons, très déprimée au centre[11],
et très défavorable au plan de la stabilité cinétique. La réduction volontaire de
puissance a repris à 23h10 jusqu'à ce que la valeur de 500 MWth
soit atteinte le samedi 26 à 0h28. La puissance s'est
ensuite effondrée (puissance neutronique nulle, puissance thermique 30
MW) lors du basculement, mal synchronisé par les opérateurs, du système
automatique local de commande des barres au système global. Il en est résulté
un empoisonnement Xénon accru. Or, pour réaliser l'essai, il fallait retrouver
de la puissance et les opérateurs ont dû extraire presque toutes les barres de
contrôle, ce qu’interdisaient les consignes. A partir de ce moment (0h30) toute utilisation de
l'arrêt d'urgence conduisait inéluctablement à l'endommagement du combustible,
du fait de la mauvaise conception des barres de contrôle et sécurité : chacune d'elles était en effet munie d'un prolongateurs en
graphite de 4.5 m de longueur suspendu à l'absorbant par une tige de 1.4 m qui,
dès lors qu'elle était complètement extraite, repoussait en tombant une colonne
d'eau de 1m de hauteur hors du cœur, augmentant ainsi la réactivité locale[12]. Parallèlement, les
conditions thermodynamiques de l'eau ont été modifiées en mettant en
service à 1h06 les huit pompes de circulation à fort débit en vue de refroidir
le cœur pendant l'essai ; la marge de sous-refroidissement devenait très faible
(3°C) et dès lors, toute augmentation de température
ou toute diminution de débit entraînait l'ébullition en masse de l'eau
située à l'entrée basse du réacteur, augmentant
encore la réactivité. A 1h23mn04s, les paramètres du réacteur étant
stabilisés, l'essai prévu a été engagé par la fermeture de la vanne d'admission
de la vapeur à la turbine ; le ralentissement du turboalternateur a entraîné
celui de 4 des 8 pompes de circulation (les 4 autres étant reliées au réseau).
L'accident a été déclenché à 1h23mn40s par
l'opérateur quand il a appuyé sur le bouton
d'arrêt d'urgence : l'insertion des barres, dont la chute était lente (20
secondes!) a entraîné une augmentation de la réactivité locale en partie basse
du réacteur et l'énergie déposée dans une partie des combustibles a conduit à
leur rupture brutale et à celle de quelques canaux. L'ébullition en masse de
l'eau a ensuite engendré le passage du réacteur en
situation de prompte criticité et la puissance a pu atteindre en quelques
secondes cent fois la valeur nominale, soit 300 000 MWth ! La reconstitution précise des phénomènes physiques
et chimico-physiques qui sont intervenus est très difficile
: interaction de l'oxyde d'uranium avec l'eau, provoquant la rupture des tubes
de force, déflagration de l'hydrogène produit lors de la décomposition de l'eau
par les structures métalliques portées à très haute température, soulèvement de
la dalle supérieure portant les mécanismes de barres etc. Les exploitants perçurent deux explosions
successives, la seconde plus forte que la première, qui firent se soulever de
14 m la dalle supérieure du cœur (450 t) et
conduisirent à la destruction des superstructures du bâtiment. Du
combustible, des composants du cœur et des structures furent projetés sur le
toit des bâtiments adjacents et sur le sol, entraînant un relâchement massif de
produits radioactifs dans l'environnement. Les débris du cœur déclenchèrent une
trentaine d'incendies sur les toits avoisinants (hall des machines et ce qui
restait du bâtiment réacteur) et par des passages de câble menacèrent le
réacteur n°3. 1.3. Les diverses causes de l'accident
C'est en août 1986, à Vienne, dans le cadre d'une
réunion spécialement organisée par l'Agence Internationale de l' Energie Atomique (AIEA) que le délégué soviétique, Valery
Legassov donna les premières informations sur
l'accident. Il incrimina essentiellement des erreurs graves d'exploitation : - le non-respect des
conditions de fonctionnement prévues pour le jour précédent - le viol des consignes de
sécurité et la mise hors service de certaines sécurités automatiques. Il souligna (à tort) que l'accident ne
serait pas advenu si une seule de ces multiples défaillances n'avait pas eu
lieu. Le directeur de la centrale et l'ingénieur en chef présent en salle de
commande furent jugés coupables et condamnés à des peines d'emprisonnement. Mais, en 1991, le rapport d'une
commission du Comité d'Etat chargé de la sûreté nucléaire de l'URSS (CECSIN),
présidé par le Russe Steinberg reconnaît enfin les défauts de conception des RBMK : - l'existence
de plages d'instabilité à basse puissance, - les vices de conception des
barres de contrôle : leur temps de chute excessif (20 s contre 2 s dans les
Réacteurs à Eau Pressurisée du monde occidental) et la présence de
prolongateurs pouvant augmenter la réactivité du cœur au début de leur chute
lorsqu'elles sont en position haute. Volkov, de l'Institut Kurchatov,
réhabilitera les exploitants en écrivant notamment : "L'ampleur de l'accident n'a donc pas été déterminé par des actions du
personnel, mais par l'ignorance,
principalement de la part des cadres scientifiques, de l'effet du titre en
vapeur sur la réactivité du cœur des RBMK. Cette ignorance a conduit à mal
analyser la sûreté de fonctionnement, à négliger les apparitions répétées de
l'important effet des vides sur la réactivité pendant l'exploitation, à
accorder une confiance abusive à l'efficacité
du système d'injection de secours qui, en fait, n'a pu faire face ni à
l'accident de Tchernobyl, ni à de nombreuses autres situations, et à
formuler naturellement des procédures
incorrectes. Cette
insuffisance du niveau scientifique s'explique surtout par les raisons
suivantes : - le très petit nombre des études de physique
neutronique des réacteurs RBMK, - le fait d'avoir négligé les écarts dans les
résultats obtenus par différentes méthodes, - l'absence d'études expérimentales dans des conditions proches
des conditions naturelles. Pendant
longtemps le Ministère de l'Energie de l'URSS a exploité les RBMK avec des
instabilités neutroniques sans prêter attention aux signaux inhabituels et
répétés des systèmes de sûreté liés au niveau de puissance.(.)
et n'a pas exigé d'enquêtes approfondies sur les situations d'urgence. Nous
sommes forcés de conclure qu'un accident
du genre de celui de Tchernobyl était inévitable."[13] L'absence d'enceinte de confinement résistante
(contrairement aux REP français) est aussi mise en avant dans les pays de
l'OCDE. Mais aurait-on pu en concevoir une capable de résister à un tel
accident, spécifique des RBMK ?. Plus évidente est l'absence de culture de sûreté dans le "système
soviétique" qui prévalait alors : -plusieurs incidents
précurseurs étaient survenus, dont le premier sur le réacteur RBMK de
Leningrad, mais ils étaient restés confidentiels et aucun enseignement n'en
avait encore été tiré. -cet essai risqué n'avait fait l'objet d'aucune
analyse préalable de sûreté par une structure indépendante. -l'exploitant n'était pas conscient des risques
qu'il encourait du fait de l'instabilité potentielle du réacteur. -l'effet
positif des barres de contrôle avait été mesuré en 1983 sur le RBMK d'Ignalina
et lors des essais de démarrage de Tchernobyl 4, une modification de leur
conception était envisagée par les équipes moscovites,
mais les exploitants n'avaient pas été alertés. 1.4. Premières interventions
Divers groupes de pompiers se dévouèrent pour tenter
de maîtriser les divers incendies déclenchés, dans un environnement enfumé
hautement radioactif : 14 pompiers entrèrent en action quatre minutes après
l'accident, et 250 deux heures et demie plus tard. Une heure après, à 4h50 du
matin, la plupart des feux étaient éteints. C'est durant
cette première séquence que des doses mortelles d'irradiation furent
subies par des intervenants. Malgré la considérable quantité d'eau apportée (qui
produisit beaucoup de vapeur), le feu reprit 20 heures
après l'explosion à partir des gaz formés par l'action de la vapeur sur le
graphite (présent en grande quantité dans ce type de réacteur) et sur le
zirconium des gaines (CO et H2) avec une flamme de 50 m de hauteur
projetant des matières radioactives jusqu'à une altitude de 1 500m, ce qui facilitait
sa lointaine migration. Les premières mesures prises pour contrer la combustion du cœur, empêcher tout risque de
criticité et diminuer les relâchements d'éléments radioactifs ont
consisté à jeter par hélicoptère (1 800 vols) des matériaux absorbants les
neutrons (produits contenant du bore) et des produits lourds (plomb, sable,
argile) : 5 000 t de matériaux furent ainsi jetés, un peu au hasard du fait de
la mauvaise visibilité et du très fort niveau d'irradiation interdisant une
approche fine, en direction de la cavité ou sur les toits en flamme. Ce mauvais
largage a peut-être contribué à la reprise du feu et des relâchements qui ne
cessèrent, abruptement, que le 7 mai, probablement à la suite de l'injection
d'azote liquide dans les parties basses du réacteur. Les produits de fission et
le combustible se transformèrent en composés stables chimiquement (on peut
alors parler de "corium", ou de
"lave"). Leur distribution entre les soubassements et les parties
hautes du réacteur n'est que grossièrement connue (Figure 1 1.5. Les mesures d'assainissement radioactif
Diverses mesures ont été prises en urgence pour
protéger les nappes phréatiques et réduire les risques de contamination du
Dniepr et du lac alimentant en eau la ville de Kiev. Devant l'ampleur de la tâche et la nécessité de
limiter autant que possible les doses individuelles, l'Etat soviétique a fait
appel à un très grand nombre de personnels, militaires (240 000 environ) ou
civils (certains ayant l'expérience de travaux sous rayonnement), en provenance
de toute l'URSS et travaillant à tour de rôle. Toute personne ayant œuvré sur
le site pour cet objectif (de 1986 à 1990) recevra
plus tard un certificat attestant son statut de "liquidateur", donnant droit à certains avantages. Leur
nombre total déclaré est d'environ 600
000. Les liquidateurs furent chargés de travaux de décontamination du site
et des routes, de l'entreposage de déchets, de la construction de barrages, de
la réalisation de nouveaux logements pour le personnel d'exploitation (les
trois autres tranches restant en fonctionnement) dont les familles furent
relogées à 50 km de là, dans la ville nouvelle de Slavutich.
Mais leur principale tâche fut la construction du sarcophage. Cet édifice de 300 000 t, construit de mai à
novembre 1986 autour du réacteur accidenté, avait pour but : - d'empêcher que la radioactivité
présente dans les "laves" et les structures restantes du réacteur ne
se disperse dans l'environnement, - de limiter l'entrée d'eau de pluie
susceptible de contaminer le sol, - de permettre de poursuivre
l'exploitation du réacteur n° 3, mitoyen du réacteur accidenté, qui partageait
des installations communes comme le hall des turbines et le bâtiment des
auxiliaires. Le sarcophage a été constitué de poutres et de
grandes plaques métalliques qui, du fait des débits de dose très élevés, n'ont
pu être posées qu'à l'aide de grues, sans possibilité d'assurer de manière
précise leur jointure et leur fixation. La surface cumulée des ouvertures était
de l'ordre de 1000m2 (ce qui permettait d’ailleurs un
refroidissement des structures par circulation d'air). Ces espaces ont pu être
réduits de moitié à la suite des travaux de 1995-1997. 1.6. L'assistance technique et financiere
internationale
1.6.1. Aspects
politiques et financiers[14]
Les événements politiques intervenus dans les années
qui ont suivi l'accident ont incité les pays occidentaux à proposer leur aide
technique et financière pour diminuer les risques de nouvelles contaminations,
d'autant plus que les liens entre Moscou et Kiev se distendaient. Le protocole
d'accord signé le 20/12/1995 par l'Ukraine, les pays du G7 et la Commission
Européenne a inscrit la fermeture de Tchernobyl dans le contexte de la réforme
du secteur énergétique ukrainien. Il repose sur un engagement mutuel :
l'Ukraine ferme Tchernobyl fin 2000 et les Occidentaux apportent leur aide pour
définir et financer les besoins électriques du pays, pour renforcer la sûreté
nucléaire et pour répondre aux problèmes sociaux posés par la fermeture de la
centrale qui emploie près de 6 000 personnes. L'application de ces principes conduisait alors à
une évaluation financière de $ 2.3 milliards, dont 1,8 au titre de prêts de la
Banque Mondiale et de la BERD, et 0.5 au titre de dons du G7 et de l'Union
Européenne. Aujourd'hui 1,4 milliards ont été investis dont 1,05 en dons (60%
proviennent des pays de l'Union Européenne et de la Commission Européenne) :
ils ont principalement servi à des travaux sur la tranche
3 lorsqu'elle était encore en fonctionnement, à ceux nécessités par sa mise à
l'arrêt, effectivement réalisée le 15/12/2000 (avec la construction
d'une installation de conditionnement/ D'autres projets seront lancés pour accroître
l'efficacité de la gestion du marché de l'électricité, moderniser le parc
thermique classique et achever la construction des deux réacteurs VVER 1000 de
Rovno 4 et Khmelnitsky 2 selon des normes acceptables
par la communauté internationale. La Commission Européenne a proposé notamment[15]
de poursuivre son aide dans le cadre de son programme TACIS[16]
, d'amélioration de la sûreté en exploitation, de renforcement des organismes
de sûreté, de recherche d'autres sources d'énergie à long terme et de
définition des projets concernant le sarcophage (une nouvelle somme de €100
millions serait allouée à l'étude et réalisation de ces projets). Par ailleurs, en avril 1996, les ministres français
et allemand de l'environnement ont annoncé une initiative de collaboration avec
l'Ukraine, le Belarus et la Russie sur trois sujets : sûreté du sarcophage,
impact de l'accident sur l'environnement, santé des populations. En juillet
1997, la France, l'Allemagne et l'Ukraine ont formalisé cette initiative par la
signature d'un accord entre l'IPSN, son homologue allemand GRS et le Centre de
Tchernobyl créé en 1996. Cette initiative est financée par les deux
gouvernements et les électriciens EDF et VdEW (budget
de 6 millions d'euros). La référence (5) détaille son programme d'actions. 1.6.2. Le projet SIP (Shelter
Implementation Plan)
On estime aujourd'hui que le sarcophage contient 5
000 m3 d'eau de pluie dans ses soubassements. La précarité de la
construction a conduit à évaluer l'impact potentiel d'un effondrement de la
toiture. C'est ainsi qu'à son voisinage, et par vent faible (hypothèse
pessimiste), les doses dues à l'inhalation pendant le passage du panache
radioactif qui en résulterait pourraient être importantes pour les travailleurs
du site. Au-delà de 10 km, la dose deviendrait inférieure à la dose maximum
admise pour les travailleurs (50 mSv) et, à
l'extérieur de la zone d'exclusion de 30 km, l'inhalation ne constituerait plus
un risque significatif pour le public. Outre
l'effondrement du sarcophage, deux autres risques ont été identifiés : - un risque de criticité entre le
combustible solidifié et l'eau (événement jugé très improbable), - un risque de remise en suspension
dans l'atmosphère d'aérosols radioactifs provenant de la décomposition
superficielle des laves. Pour l'empêcher, une solution permettant de fixer les
poussières est pulvérisée périodiquement. Le projet SIP, d'une durée de huit ans, lancé en
1998 par un groupe d'experts du G7, est financé par les pays occidentaux à
hauteur de $760 millions dont 50 à la charge de l'Ukraine. Il a pour but de
stabiliser le sarcophage et mettre en place des mesures de protection des
travailleurs et de l'environnement. La réalisation de ce projet est assurée par
une entité dépendant de la centrale de Tchernobyl, assistée d'une structure de
projet rassemblant les sociétés américaines Bechtel et Battelle
ainsi qu'EDF, structure qui doit définir le programme des tâches élémentaires
permettant d'atteindre les objectifs du projet SIP et de solliciter les
autorisations de l'autorité de sûreté ukrainienne. La première étape (état des
lieux) d'une durée de deux ans est achevée. Les sociétés françaises Technicatome et SGN sont chacune leader d'un groupe
d'entreprises chargées de diverses tâches (sûreté, radioprotection,
assainissement, etc..). De plus, un travail de compilation et de synthèse
très important a été engagé dans le cadre de "l'initiative
franco-allemande pour Tchernobyl" en collaboration avec des organismes
russes et ukrainiens, afin d'élaborer une base de données sur l'état et la
sûreté du sarcophage qui permettra d'améliorer l'estimation des risques radiologiques
à l'intérieur et aux abords du bâtiment et de valider les mesures de protection
actuelles. 1.7. Les enseignements tirés de l'accident
En URSS (Russie, Ukraine, Lituanie), des
modifications ont été apportées aux autres réacteurs RBMK en fonctionnement (13
en tout au 1/01/2001) : elles ont porté sur les caractéristiques du combustible
(enrichissement plus élevé pour diminuer "l'effet de vide"), sur le
dessin des barres de contrôle et sur la protection de la dalle supérieure
contre les accidents de surpression. Une meilleure organisation de la sûreté,
lentement mise en place, et la prise de conscience des risques concourent en
outre à un meilleur niveau global de sûreté, sans que soit atteint cependant le
standard occidental. Ailleurs, on comprit assez vite que cet accident n'était
pas seulement "soviétique" et que les pays de l'OCDE pouvaient aussi
en tirer des enseignements utiles. Citons quelques conséquences directes ou
indirectes : Sur la
conception des réacteurs en France : - une recherche
exhaustive de toutes les possibilités de réalisation d'un accident de
réactivité dans tous les réacteurs fut engagée, permettant d'identifier dans
les REP une séquence potentiellement dangereuse, réacteur à l'arrêt (des
contre-mesures ont été prises), - une
originalité des REP français consiste en l'installation de "filtres à
sable" permettant, en cas d'accident conduisant à une surpression
excessive de l'enceinte, de relâcher progressivement une partie des gaz qui y
seraient contenus en retenant 99% des iodes et césiums. Ce système, conçu à la
suite de l'accident de TMI (mais qui suppose l'intégrité de l'enceinte), trouve
là une nouvelle justification. - pour la
prochaine génération de REP (projet franco-allemand EPR, projets américains),
on prévoit des dispositions nouvelles destinées à assurer le refroidissement
d'un cœur fondu et à garantir l'intégrité à long terme de l'enceinte de
confinement. Sur l'exploitation
des réacteurs et les conditions de leur autorisation : - on prit
partout conscience qu'un accident n'importe où dans le monde pouvait avoir des
répercussions désastreuses pour les programmes en cours ou à venir. La
nécessaire solidarité entre les exploitants s'est concrétisée par la création,
en mai 1989 et à leur initiative, d'une association internationale : WANO
(World Association of Nuclear Operators).
Toutes les sociétés concernées en font partie, mettant en commun leur
expérience. On lui doit l'installation un peu partout de simulateurs et le
développement général de la culture de sûreté, - l'association
WENRA (Western Europe Nuclear
Regulators Association) des autorités de
sûreté de nombreux pays d'Europe occidentale, créée
en début 1999 a instauré un dialogue permanent avec les autorités de
sûreté des pays de l'Est. Sur la
communication : - en France, le Conseil
Supérieur de la Sécurité Nucléaire a été transformé en Conseil Supérieur de la
Sécurité et de l'Information
Nucléaire (CSSIN) accueillant des spécialistes de la communication pour
accroître la qualité de l'information et la transparence. Sur la suggestion de
l'un de ses membres[17],
son vice-président, le journaliste Pierre Desgraupes,
a décidé la création d'une échelle de
gravité nationale des événements significatifs pour la sûreté, permettant
aux médias de mieux percevoir l'ampleur des risques associés. Cette échelle,
légèrement modifiée, a été adoptée internationalement (échelle INES). Elle
comporte sept degrés, Tchernobyl se plaçant au niveau 7. A partir du niveau 1
(simple anomalie d'exploitation) tout incident fait l'objet d'une information
internationale, - des accords de notification rapide, d'un pays à un
autre, d'un accident nucléaire, et d'assistance en cas de situation d'urgence
radiologique ont trouvé leur expression dans des conventions internationales
conclues dans le cadre de l'AIEA et de l'Union Européenne. Sur
l'intervention en cas d'accident : - il a été décidé
de distribuer aux populations vivant à proximité d'une centrale française des
pastilles d'iode à absorber en cas d'accident grave pour prévenir
l'apparition de cancers de la thyroïde, - un intérêt accru a été porté
aux plans d'urgence interne (PUI), aux plans particuliers d'intervention (PPI)
et à leur validation par des exercices. Sur les
normes de radioprotection : - sous l'égide de l'OMS et de
la FAO un accord international sur le niveau de contamination des denrées
alimentaires entrant dans le commerce international a été conclu, - la Commission
Internationale de Protection Radiologique a précisé
ses recommandations relatives aux interventions en cas d'accident en mettant l'accent
sur la justification et l'optimisation des interventions. Sur la sûreté
: - dès le mois d'août 1986
l'AIEA a saisi le "Groupe consultatif international pour la sûreté
nucléaire" (INSAG) pour analyser l'accident et en tirer des enseignements.
Le premier rapport de ce groupe (INSAG 1) a été mis à jour en 1996 (INSAG 7), - par la suite
l'INSAG s'est attaché à formuler et à préciser une doctrine commune au plan
international en matière de sûreté, en particulier à travers les documents
suivants : INSAG 3
"Principes fondamentaux de sûreté pour les centrales nucléaires"
(1990) INSAG 4
"Culture de sûreté" (1991) INSAG 5
"Sûreté de l'énergie d'origine nucléaire" (1993) INSAG 10
"La défense en profondeur" (1997) Sur les
programmes de recherches : - recherches
sur le devenir des radionucléides déposés dans l'environnement, - intérêt accru
pour l'étude des accidents graves avec fusion du cœur. 2.1. Les rejets d'éléments radioactifs
Le relâchement dans l'environnement d'éléments
radioactifs a été considérable, de l'ordre de 230 millions de Curies (environ
8.7 1018 Bq, donc près de neuf milliards de milliards de
becquerels). Trois grandes catégories de rejets doivent être
distinguées : - les gaz rares
(Xe, Kr), (6.5 1018 Bq), relâchés à 100%, mais qui ne se combinant
pas chimiquement se diluent dans l'atmosphère et ne peuvent provoquer qu'une
irradiation externe assez faible, - les produits
de fission volatils (I, Cs, Te…) relâchés en proportions importantes (30 à
50%), susceptibles de migrer assez loin au gré des vents, de se combiner
chimiquement et d'entrer dans les chaînes alimentaires, - les produits de
fission solides et les actinides, relâchés en beaucoup plus faible proportion
(3%), qui ont surtout affecté l'environnement proche du réacteur. Les tableaux 1 et 2 précisent les périodes
radioactives et les quantités approximatives émises du 26/4 au 6/5, des
principaux radioéléments intéressants ainsi que ce
qu'elles représentent par rapport au stock existant au moment de l'accident. Tableau 1 :
Principaux radioéléments émis
·
1 peta Bq = 1015 Bq =27 000 Ci Tableau 2 :
Estimation journalière du rejet d'Iode-131
La
comparaison globale de ces rejets avec ceux dus à d'autres grandes pollutions
radioactives est délicate, car les proportions d'isotopes, les lieux et durées
d'émission diffèrent : par rapport à Windscale,
Tchernobyl a rejeté 1 500 fois plus de I-131, 21 000 fois plus de Cs-137, 50
000 fois plus de Sr-90. En revanche, l'ensemble des essais nucléaires aériens
auraient émis 3 à 400 fois plus de I-131 (mais c'est dans la stratosphère qu'a
eu lieu essentiellement sa décroissance radioactive), 12 fois plus de Cs-137,
60 fois plus de Sr-90. Les deux grands complexes militaro-industriels de Hanford (USA) et Mayak (URSS) ont
émis eux aussi des quantités de radioactivité beaucoup plus importantes (80
fois ?), mais étalées sur plusieurs dizaines d'années. On conçoit que les
conséquences sanitaires n'aient pu être extra ou interpolées de manière fiable. 2.2. Les
contaminations
Les variations du vent et de la pluviosité ont
entraîné une dispersion de la contamination dans toutes les directions, mais
surtout vers le nord (rejets du 26), l'ouest (le 27) puis l'est (le 28). Les
figures 2 et 3, montrent la dispersion schématique des panaches radioactifs
émis les 26 et 27. La figure 4 donne un aperçu de la répartition de la
contamination en I-131 au Belarus, et en Russie (les données concernant
l'Ukraine manquent). Trois zones ont été surtout affectées : - une zone centrale (Ukraine et
Belarus) autour du réacteur et de la ville voisine de Pripiat où résidaient les
familles des exploitants (50 000 personnes), - une autre (Belarus et
Russie) près de la ville de Gomel, - une dernière
en Russie autour de la ville d'Orel, à 500 km de là.
Les
figures 5 et 6 illustrent les contaminations en strontium et plutonium,
concentrées dans la zone centrale (d'autant plus que l'élément est lourd).
Une zone dite d'exclusion, de 30 km de rayon autour
du réacteur, a été décidée. Les dépôts ont pu y excéder 1 500 kBq/m2 et atteindre même 3 700 kBq/m² (100Ci/km²). C'est là que se trouve la "forêt
rousse". Tout l'hémisphère nord a été affecté, mais l'UNSCEAR ne définit comme "contaminées" que les zones dont
l'activité en césium-137 dépasse 1 Ci/km2 (37 kBq/m2),
valeur qui conduit à un supplément d'irradiation annuelle d'environ 1 mSv.(cette contamination ira en diminuant dans les
années à venir).
La figure 8 et les tableaux suivants (3 et 4), extraits du rapport de l'UNSCEAR illustrent l'étendue (en km²) et l'intensité (en Ci = 3.7 1010 Bq) des contaminations dans l'ensemble de l' Europe.
Tableau 4 : Etendue des surfaces (en km2) contaminées (1 à
5 Ci/km2) dans divers autres pays :
2.3. Les mouvements de population
Au soir du 26 avril, le niveau d'irradiation à
Pripiat, où vivaient les familles des exploitants, n'était pas encore connu ni
donc considéré alarmant (il était cependant de l'ordre de 10 mSv/h) Aucune consigne particulière, de confinement par
exemple, n'était encore donnée. Les autorités ne prirent conscience de la
gravité de la situation que vers 22 h, après l'arrivée d'une délégation venant
de Moscou. La décision d'évacuer fut alors prise et durant la nuit des mesures
furent adoptées pour disposer le lendemain de 1 200 cars. Le 27 avril à midi, la population fut avertie par
radio et l'évacuation prit effet de 14 à 17h. 40 000 personnes furent
ainsi dirigées vers un district ukrainien situé à une cinquantaine de
kilomètres plus à l'ouest. Elles y resteront jusqu'en août avant d'être
relogées à Kiev. D'autres populations furent évacuées, mais plus
tardivement comme le montre le tableau suivant : Tableau
5 : Evacuation des populations
Au total 116 000 personnes furent
évacuées (auxquelles s'ajoutent 60
000 têtes de bétail). Malgré le statut de "zone interdite", quelques
personnes retourneront chez elles après la construction du sarcophage. Il
s'agit essentiellement de personnes âgées dont le nombre ne dépasse pas le
millier. Par ailleurs, durant l'été 1986, des
"relogements" sont
intervenus en dehors de la zone d'exclusion de 30 km précitée (~2 800 km2)
dans les zones les plus contaminées (d'une superficie de 1 500 km2),
touchant 220 000 personnes; ces
mouvements sont moins bien documentés. 2.4. Les doses reçues par la population évacuée
Dans la zone proche du réacteur, les
doses sont essentiellement dues au passage du panache pour les doses à la
thyroïde (inhalation d'iode 131 et d'autres iodes à vie courte), et au dépôt
dans l'environnement pour ce qui concerne l'irradiation externe. 2.4.1. Doses par
exposition externe
Les doses reçues ont été estimées à partir des doses
mesurées en divers endroits et des emplois du temps des personnes. L'irradiation
directe due au panache a joué un rôle mineur par rapport à l'irradiation due
aux dépôts. Une évacuation plus rapide aurait donc diminué beaucoup les doses.
Pour la population ukrainienne, la dose efficace
moyenne par irradiation externe est estimée à 17 mSv, les valeurs extrêmes allant de 0.1 à 380. Au Belarus, la dose
moyenne est estimée à 31 mSv et 4% de la population concernée a reçu plus de 100
mSv (les habitants de deux villages ont reçu 300 mSv). 2.4.2. Doses par
exposition interne
Aux doses précédentes doivent être ajoutées les
doses à la thyroïde dues à la fixation de radio isotopes d'iode et de tellure
ainsi que l'irradiation due au césium fixé par l'organisme (mais qui s'élimine
avec une période de 2 à 3 mois). L'inhalation en est responsable pour 75%, le
reste provenant de l'absorption de produits lactés. Le tableau ci-dessous (table 22 du rapport
de l'UNSCEAR) donne une estimation de la dose moyenne à la thyroïde reçue par
les habitants des villages évacués du
Belarus selon leur âge. On constate que les doses sont d'autant plus fortes que
l'enfant est jeune. Les trois quarts des habitants de
Pripiat avaient reçu des tablettes d'iode les 26 et 27 avril, ainsi que les
deux tiers des enfants des zones rurales, mais leur prise fut différée de
plusieurs jours (le 30 avril au mieux, le 4 mai au pire), alors que celle-ci
doit intervenir dans les heures qui suivent pour être pleinement efficace. Sur l'ensemble des populations évacuées
la dose moyenne à la thyroïde est estimée à 0,47 Gy.
Tableau 6 : Dose moyenne à la thyroïde 2.5. Les
contaminations et les doses dans les zones non evacuees
Dans l'ensemble des territoires de l'ex-URSS les
essais nucléaires aériens sont encore responsables d'une contamination de
l'ordre de 0.05 à 0.1 Ci/km2 (2 à 4 kBq/m2).
L'activité résiduelle du césium-137 due à l'accident de Tchernobyl se situe
nettement au-dessus de ce "bruit de fond" et plusieurs niveaux
délimités par des seuils ont été définis : -au-dessous de 37 kBq/m2 (1 Ci/km2), les territoires
sont réputés "non contaminés". -au-dessus (3% de la superficie
de la partie européenne de l'ex-URSS), on a distingué : –
un seuil de 555 kBq/m2 (15 Ci/km2)
au-dessus duquel le territoire est dit "sous contrôle strict", –
une valeur intermédiaire de 185 kBq/m2 (5
Ci/km2) qui délimite les zones à basse et moyenne contamination. Les doses reçues ont été évaluées en distinguant la
première année, où les iodes et autres éléments à périodes courtes ont joué un
grand rôle, et les années suivantes où l'effet principal provient des dépôts de
Cs-134 et Cs-137, soit par irradiation externe soit par ingestion de produits
contaminés (s'y ajoute aussi du strontium-90), d'une durée de vie dans
l'organisme (période biologique) d'environ 3 mois (ce chiffre dépend en réalité
de l'âge, du sexe et du poids). Le tableau 7 ci-dessous indique la distribution de
la population dans les trois zones plus ou moins contaminées des trois
républiques (plus de 5 millions de personnes sont concernées, mais les 80 000
ayant quitté les zones contaminées en 1986 et 1987 ne figurent pas dans ces
statistiques). Tableau 7 : Nombre d'habitants concernés par la
contamination
La distribution des doses est très hétérogène comme
le montre le tableau ci-après qui indique le nombre de personnes ayant reçu les
doses individuelles les plus élevées (60% de la population a reçu moins de 10 mSv). Tableau
8 : répartition des doses élevées dans la population
2.6. SITUATION ACTUELLE [18]
Le niveau de contamination résiduel en Cs-137 (que
l'on peut traduire en niveau d'irradiation supplémentaire s'ajoutant à
l'irradiation naturelle selon la relation approximative 1
Ci/km2 1 mSv/an) définit le statut de
différentes zones dans les trois pays : –
au-delà de 40 mSv/an : zones évacuées dès les
premiers jours et "interdits" – de 15 à 40 mSv/an
: "zones de relogement obligatoire" dans lesquelles l'habitation et
les productions agricoles ou industrielles sont interdites. Ces deux premières zones ont
une superficie totale de 4 300 km2 (2 800 dans la zone des 30 km, et
1 500 à l'extérieur. – de 5 à 15 mSv/an : "zones de relogement volontaire" où les
activités agricoles et industrielle existantes ne peuvent être étendues – de 1 à 5 mSv/an : zones de contrôle radiologique où seules les
activités pouvant affecter la santé de la population ou la qualité de
l'environnement sont interdites, ainsi que les établissement
de soins. Le niveau général de la contamination a varié très
lentement, par migration dans le sol, ruissellement, décroissance radioactive
(30% en 15 ans pour le césium et le strontium). On retrouve le césium dans les
quinze premiers centimètres du sol, le plutonium dans les cinq premiers. Le
strontium, plus mobile, a davantage migré et on peut le retrouver à plusieurs mètres
de profondeur. La réimplantation future de la population et des activités
dépendra donc autant d'une éventuelle réévaluation favorable des risques liés
aux "faibles doses" et "débits de dose" qu'à la
décroissance radioactive. Divers travaux de décontamination ont été entrepris
dans les 10 km entourant la centrale, avec enfouissement des déchets
radioactifs. Sur certaines parcelles, le sol contaminé a été retiré ou
recouvert de terre non contaminée. D'autres contre-mesures ont été prises pour
réduire le transfert du césium et des métaux lourds. Le facteur de transfert du
césium à la plante peut en effet varier de 1 à 20 selon la composition, la
teneur organique, l’acidité et l’humidité du sol. Si le césium qui cause à lui
seul 90% de l'irradiation reste bien présent dans le sol, par contre il s'y
fixe davantage et sa présence diminue très sensiblement dans les productions agricoles,
d'un facteur 2 tous les 3 à 4 ans. La figure 9 suivante indique la
contamination moyenne mensuelle du lait par le Cs-137 produit dans une ferme
collective ukrainienne s'étendant sur une surface de 3 500 ha contaminés en
moyenne à 111 kBq/m2. Les normes adoptées
en 1991 et 1997 sont indiquées sur la figure. La plus grande partie des productions agricoles
d'Ukraine satisfait aux normes suivantes : – lait < 100 Bq/l (370 admis jusqu'en 1991) – viande < 200 Bq/l – pommes de terre, pain <20 Bq/kg Il faut signaler les efforts de réhabilitation des
conditions de vie dans ces territoires réalisés dans le cadre du programme
européen ETHOS (1996-2001) cf référence 7. 3.1. Les conséquences sanitaires dans les
Républiques de l'ex-URSS[19]
Dans les Républiques de l'ancienne URSS, qui se
séparèrent en 1991, plusieurs populations doivent être distinguées : - les professionnels directement
impliqués le jour même de l'accident, tous U - les divers personnels intervenus dans
les phases ultérieures de gestion de la crise, ou dans les phases
d'assainissement du site, de 1986 à 1990 en provenance de toute l' URSS, (les "liquidateurs"), - les
populations civiles évacuées ou déplacées (Ukraine, Belarus,
Fédération de Russie), - les populations de ces mêmes
Républiques restées sur place dans un environnement contaminé. On trouvera en annexe un rappel succinct des effets
des rayonnements sur la santé humaine, et des diverses unités employées. 3.2. Les effets "déterministes"
Au matin du 26 avril, de 500 à 600 personnes étaient
présentes sur le site : personnel d'exploitation, pompiers, équipes
d'intervention médicale. Les dosimètres individuels disponibles étant saturés à
20 mSv, les doses d'irradiation (qui dépassèrent le
Sievert) ne purent être estimées qu'ultérieurement par analyse des aberrations
chromosomiques constatées. Les pompiers, qui furent les plus exposés, ne
disposaient d'aucun dosimètre. Ils subirent, outre une irradiation b de l'ensemble du corps, une intense
irradiation g de leur peau (brûlures) qui
aggrava leur état. - 3 personnes décédèrent le premier jour
de traumatismes divers (dont une crise cardiaque) sans rapport avec le niveau
de radioactivité. - 237 manifestèrent à des degrés
divers des malaises liés au haut niveau d'irradiation subi. - 134 d'entre elles furent
hospitalisées après des tests cliniques. Des greffes de moelle furent
réalisées, essentiellement à Moscou, sept à dix jours plus tard. De cette
cohorte toujours suivie : - 28 décédèrent dans les quatre
mois suivants. Le tableau suivant indique les doses reçues :
- 9 survivants ayant reçu des doses
comprises entre 1,3 et 5,2 Gy décédèrent entre 1986 et 1995. - 2 nouveaux décès (cirrhose et
leucémie aiguë) sont survenus en 1998 dans cette cohorte, selon l'UNSCEAR. Sur ces 11
personnes, trois ont développé des tumeurs clairement attribuables
à l'irradiation. Pour les autres, les maladies sont sans relation évidente avec
elle. Aucun cancer de la peau ne fut observé malgré l'importance des brûlures
radiologiques. Le
bilan total serait donc pour cette cohorte de 134 personnes de 39 décès dont 31
par effet d'irradiation à caractère déterministe. Des survivants de cette
cohorte souffrent encore de cataractes, d'ulcérations. Des dysfonctionnements
sexuels ont été observés parmi eux; cependant, ils engendrèrent 14 enfants,
tous normaux, dans les cinq ans suivant l'accident. 3.3. Les effets aleatoires (ou "stochastiques")
3.3.1. Méthodologie
La ou les diverses cohortes d'intervenants (les
"liquidateurs"), et les diverses populations civiles concernées,
peuvent être victimes d'effets stochastiques, c’est à dire de cancers
apparaissant au hasard. L'estimation du nombre de cancers
radio-induits attribuables à l'accident ne peut qu'être déduite d'études
statistiques comparatives prenant en compte la situation sanitaire antérieure
sur les lieux mêmes considérés et les niveaux d'irradiation des personnes
concernées. Or, faute d'avoir distribué des dosimètres individuels, les doses
sont très mal connues. Leur reconstitution a été toutefois tentée pour diverses
cohortes. Les statistiques relatives aux cancers semblent Dès l'accident, en mai 1986, les experts soviétiques
recommandèrent la création de registres spéciaux, pour délivrer les soins,
suivre les diverses catégories de population et fournir une base de données
statistiques à long terme. Ce fut le centre de recherche médicale d'Obninsk qui
fut chargé l'année suivante de la gestion d'un fichier au niveau de l'Etat
soviétique. En 1991, lors de la dissolution de l'URSS, le fichier avait
accumulé des données sur plus de 650 000 personnes, dont 43% (280 000) de
personnels d'intervention, 11% (72 000) de personnes civiles évacuées, 45% (300
000) de personnes vivant dans les territoires contaminés, et 1% d'enfants nés
après l'accident. Par la suite, les registres furent gérés séparément
par chacun des trois Etats concernés et ont évolué indépendamment. Il faut
noter que les éditions successives montrent un nombre toujours croissant de
personnes enregistrées : au Belarus, le registre initial contenait des
informations sur 193 000 personnes dont 21 100 personnels d'intervention. Au
début de 1995 ces derniers personnels sont passés à 63 000. D'autres registres
sont également en augmentation, ce qui permet d'espérer que la grande majorité
des personnels concernés seront suivis.
Des examens médicaux obligatoires sont conduits dans l'hôpital désigné selon le
lieu de résidence et l'information mise en forme est centralisée. Dans le cas
où une affection grave est suspectée, le patient est dirigé vers une
institution spécialisée. C'est l'Institut de Biophysique de Moscou qui tient
toujours le registre des travailleurs professionnels (22 150 personnes
enregistrées au départ, 18 430 suivies fin 1999) tandis que le registre des
liquidateurs militaires est tenu à Saint-Petersbourg.
Il contient des données sur les lieux et les durées d'intervention, d'où sont
estimées les doses, en l'absence de mesures dosimétriques directes. Diverses
cohortes ont été particulièrement suivies : celle des pilotes et équipages
d'hélicoptères (1250 personnes dont certaines ont reçu une dose supérieure à
250 mGy), et celle des liquidateurs estoniens. Les études statistiques sont très délicates car il
convient de prendre en compte l'effet même du dépistage systématique qui majore
le nombre de cas recherchés. La connaissance, même approximative, des niveaux
d'irradiation des personnes examinées, cause supposée des cancers, permet
d'évaluer l'importance de cet effet. 3.3.2.
Les
cancers de la thyroïde
Le diagnostic fait en 1990 de trois cancers de la
thyroïde chez de jeunes enfants fut une surprise car on s'attendait à un temps
de latence d'une dizaine d'années. Très peu de cancers de ce type (moins de 5
par an) avaient été enregistrés depuis huit ans chez d'aussi jeunes enfants du Bélarus. Le phénomène
prit dans les années suivantes l'allure d'une épidémie inattendue de carcinomes
papillaires relativement agressifs (7 en 1989 et 30 en 1990). La figure 10
recense le nombre de cas nouveaux constatés chaque année dans les trois
républiques chez des enfants ayant eu moins de quatorze ans au moment de
l'accident. On attribue généralement cette maladie à l'action d'éléments à vie
courte et notamment à l'ingestion d'iode radioactif, d'autant que la
population, qui vivait dans un environnement pauvre en iode, y était plus
sensible. Il subsiste cependant des zones d'ombre comme la part réellement
imputable à l'iode 131 : d'autres isotopes d'iode à vie plus courte pourraient
avoir eu une grande importance[20]
et affecter les populations les plus proches. Sur les 1791 cas répertoriés fin
1998, 1067 (60%) proviennent du Belarus. Trois tranches d'âge au moment de l'accident ont été
distinguées (0-4, 5-9, 10-14). C'est le fait que la dose à la thyroïde soit
plus élevée pour les plus jeunes enfants (voir tableau 6 précédent) et la
radiosensibilité de la thyroïde des enfants qui explique le plus grand nombre
de malades. Dans cette gamme de doses élevées, l'incidence des cancers obéit à
une loi quasi linéaire. L'administration dans les heures suivant l'accident
d'iode stable sous une forme quelconque aurait permis de saturer la thyroïde et
d'éviter probablement l'apparition de ces cancers (comme cela fut fait très tôt
en Pologne où des millions de personnes furent ainsi protégées). Une distribution eut lieu, anarchique et tardive; plus
de 20% des liquidateurs auxquels il fut proposé d'en absorber, plusieurs jours
après il est vrai, les refusèrent. Bien traité, ce type de cancer a un très bon
pronostic. Des enfants ont été traités dans les hôpitaux de divers pays.
Si le nombre de cas de cancers de la thyroïde est certainement supérieur à
2000, quinze ans après l'accident[21],
le nombre de décès dus à cette affection n'est pas précisé dans le rapport de
l'UNSCEAR. Le document (6) fait état de 6 décès sur 331 enfants opérés au
Belarus. D'autres sources privées font état d'un maximum d'une dizaine dans
l'ensemble des trois républiques. Ces décès auraient pu être évités ou retardés
de plusieurs dizaines d'années avec un traitement précoce et adapté. Cette épidémie se poursuit chez les adolescents et
les jeunes adultes. Pour ceux qui étaient adultes en 1986, on constate, comme
ailleurs, une augmentation très probablement liée au dépistage, car le cancer
thyroïdien radio-induit n'existe pratiquement pas chez l'adulte. Trois cas de
cancers papillaires ont été identifiés sur une cohorte de 1984 liquidateurs
lituaniens, neuf ans après l'accident, ce qui correspond à une proportion
normale. L'analyse des cas détectés chez d'autres liquidateurs montre que leur
apparente augmentation résulte d'un effet de dépistage. 3.3.3. Les leucémies
Après irradiation, les leucémies sont considérées
comme les cancers apparaissant le plus précocement (2 ans, avec un pic 6 à 8
ans après) . Or l'excès de leucémies attendu n'est pas
apparu. Une lente augmentation du taux de leucémies en URSS avait déjà été
constatée depuis 1981, notamment chez les personnes âgées. Elle se confirme,
mais ce phénomène peut résulter d'un meilleur enregistrement des données et
d'une meilleure surveillance médicale. Certaines études font l'objet de
controverses mais sans qu'on ait trouvé de corrélation nette entre les
leucémies apparues et le niveau d'irradiation. Le tout dernier document de l' UNSCEAR apparaît toutefois moins affirmatif et quelques
années supplémentaires d'observation et d'analyse s'imposent avant de conclure.
S'il existe un effet, celui-ci reste faible, en tout état de cause. 3.3.4. Autres tumeurs solides.
On
peut s'attendre à un excès de tumeurs solides dans les années à venir dans les
groupes les plus exposés : travailleurs d'urgence, liquidateurs intervenus en
1986-1987, populations des territoires contaminés ayant reçu plus d'une
centaine de millisieverts. Cependant un tel excès n'a
pas été encore constaté, ce qui peut s'expliquer par le temps de latence d'au
moins dix ans nécessaire avant apparition de ces cancers et par le faible
nombre prévisible de cancers en excès par rapport au nombre de cancers
spontanément attendus. C'est ainsi que, parmi
ces liquidateurs, une cohorte de 5 300 femmes a été étudiée et n'aurait mis en
évidence aucune augmentation des cancers du sein.[22]
Les causes de mortalité auraient été légèrement modifiées, mais de manière
analogue dans les zones contaminées et non contaminées de l'ensemble de l'ex-URSS 3.4. Les affections congénitales
Les anomalies constatées à la naissance peuvent
avoir deux origines : une origine héréditaire liée à une anomalie transmissible
dans un gamète parentale, une origine tératogène, c'est à dire un événement
survenant pendant la grossesse et entraînant une anomalie de l'enfant à naître.
Toutes causes confondues, les affections congénitales sont présentes dans
environ 10% des naissances, 3 à 4 % étant des anomalies congénitales graves.
Une augmentation des effets tératogènes a été observée après des irradiations
accidentelles ou thérapeutiques de femmes enceintes au premier trimestre de
grossesse pour des doses abdominales supérieures à 250-500 mGy.
Il n'y a pas de données humaines qui permettent d'établir la réalité et le
niveau de l'excès d'effets héréditaires radio-induits. Concernant les suites de
l'accident de Tchernobyl, les études conduisent à des résultats contradictoires
difficiles à interpréter, la légère dérive observée sur les taux d'anomalies
(polydactylies, anencéphalies, becs de lièvre, malformations diverses) n'étant
pas corrélée au taux d'irradiation, et devant avoir aussi d'autres causes. De
même, on a constaté une augmentation du nombre d'avortements spontanés et une
baisse de natalité mais sans corrélation avec l'irradiation. Les enfants
irradiés in utero semblent un peu moins développés intellectuellement et
présenter davantage de troubles psychiques que les autres. Cependant,
l’interprétation de ces études est délicate, car les critères utilisés sont
difficilement quantifiables et ces observations peuvent être associées et
attribuées à la plus grande fréquence des troubles psychiques de leurs parents. 3.5. Autres affections (psychologiques et
autres).
Dès 1992, des affections non malignes de la thyroïde
ont été découvertes dans la zone de Tchernobyl. Mais l'accident a surtout causé
des désordres psychologiques importants (stress, anxiété) que l'on corrèle,
pour la population, aux conséquences économiques et sociales des évacuations
plutôt qu'au niveau d'irradiation. Des symptômes tels que maux de tête,
dépressions, troubles du sommeil et déséquilibres émotionnels ont été rapportés
et l'on a observé un développement intellectuel inférieur chez les enfants
exposés in utero. Mais ces troubles ont pu être statistiquement associés au
niveau de stress de leurs parents et non au niveau d'irradiation subi. Ainsi,
ces conséquences sont-elles plus faibles chez les liquidateurs ayant déjà
travaillé dans des zones contaminées avant l’accident que chez les autres. De nombreux individus sont convaincus que
l'irradiation est la cause la plus probable de leur mauvaise santé. Cette
tendance à attribuer tous les problèmes rencontrés à l'accident a conduit à des
attitudes passives favorisant le développement de l'alcoolisme et de la
toxicomanie. L'augmentation de la fréquence des accidents (traumatismes,
accidents de la circulation) et des suicides a bien été mise en évidence. 3.6. Effets immunologiques
Il a été constaté que l'irradiation pouvait altérer
plusieurs paramètres immunologiques sur des animaux de laboratoire, mais les
effets observés sur les humains ne sont pas clairs. Le rapport de l'UNSCEAR
cite sept études de cohortes différentes (enfants, pilotes d'hélicoptère,
liquidateurs, etc.). La période prolongée durant laquelle des troubles de la fonction
immunitaire ont été observés dans certaines cohortes n'est pas conforme à ce
que l'on sait du rétablissement des fonctions immunitaires chez les animaux de
laboratoire. Il est donc très probable que d'autres causes sont à rechercher
pour expliquer les fluctuations de certains paramètres immunologiques dans
différents groupes de sujets. On a également noté une possible augmentation
d'incidence des thyroïdites chroniques auto-immunes (pathologie bénigne
évoluant vers l'hypothyroïdie). 3.7. Mortalité globale.
Le document de l'UNSCEAR ne donne aucune indication
sur le nombre de personnes décédées d'un cancer de la thyroïde, ni de bilan
global de décès pour d'autres causes. On sait que le taux de mortalité dans les
pays de l'ex-URSS a augmenté depuis quinze ans (indépendamment du niveau
d'irradiation), mais en l'absence de nouvelles tables de mortalité, on ne peut
dire quel est le nombre "normal" de décès attendu dans la cohorte des
600 000 liquidateurs. A titre d'exemple, en France, la mortalité annuelle
chez les hommes de 20 à 39 ans varie de 132 à 245 pour 10 000, les décès par
cancer représentant entre 4,3 et 32 pour 100 000 suivant les tranches d'âge.
Sur une cohorte de 600 000 hommes résidant en France et âgés de 20 ans en 1986,
le nombre total de décès entre 1987 et 2000 peut être estimé à un peu plus de
14 000. 3.8. Les coopérations médicales internationales
Les coopérations internationales se sont multipliées
lorsque les premiers cancers de la thyroïde sont apparus, vers 1990, époque où
l'URSS a commencé aussi à se désagréger. Elles ne peuvent être ici toutes
mentionnées. L'AIEA a organisé l'International Chernobyl Project permettant à des experts de diverses
nations d'évaluer les conceptions soviétiques concernant la vie dans les
régions contaminées. En 1992-1995, l'OMS a conduit un programme
international sur les effets sur la santé de l'accident (IPHECA), avec un
certain nombre de projets pilotes dont un consacré à l'évaluation des doses
reçues par les diverses populations concernées. Entre 1991 et 1996, la Sasakawa
Memorial Health Foundation a parrainé un vaste programme international de
dépistage des enfants victimes de Tchernobyl. Des centres de diagnostic
régionaux furent créés au Belarus (Gomel et Mogilev),
en Russie (région de Bryansk) et Ukraine (Kiev et Korosten). Environ 120 000 enfants furent examinés. Depuis 1990, 4506 enfants originaires de la région
de Tchernobyl ont reçu des soins médicaux dans un Centre cubain. L'estimation
de l'état de santé général n'a montré aucune corrélation avec leur niveau de
contamination au césium. Divers pays occidentaux ont également participé au
dépistage et aux soins apportés aux enfants. L'Allemagne a surtout porté ses
efforts sur le Belarus et la France sur l'Ukraine. Créé en 1991 sous l'impulsion d'une ONG ("les
enfants de Tchernobyl") avec le soutien de divers financements, le Centre
franco-ukrainien de Kiev assure le suivi médical et épidémiologique d'enfants Ce Centre a pris en charge le voyage et les
explorations et traitements complémentaires à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière
(AP-HP) de 29 enfants (18 filles et 11 garçons) qui avaient de six mois à neuf
ans et demi lors de l'accident et s'avéraient porteurs d'un épithélomia
thyroïdien papillaire. Les explorations ont montré des métastases
ganglionnaires cervicales dans 24 cas et pulmonaires dans 11 cas. Sept ans
après la découverte du cancer, 20 enfants étaient apparemment guéris ou en
rémission, 6 avaient des adénopathies cervicales nécessitant une nouvelle
intervention, 3 des métastases pulmonaires évolutives. Aucun décès n'est à déplorer
à ce jour parmi ces enfants[23]. Les contacts pris à cette occasion ont
montré la grave insuffisance du dépistage, trop tardif car non systématique, et
la faiblesse des traitements en Ukraine, principalement dues à un manque de
moyens. 3.9. Les Conclusions de la
conférence de kiev
Pour éviter des déclarations
contradictoires fondées sur des constats non vérifiés, le
Secrétaire Général des Nations-Unies a convoqué à Kiev, du 4 au 8 juin 2001
toutes les Agences de l’ONU concernées à un titre ou un
autre, qui ont chacune leur regard propre. Les
conclusions confirment les analyses de l’UNSCEAR (documents de mai 2000 et
avril 2001) tout en insistant sur la
dégradation de la situation sanitaire dans les pays concernés, quelles qu’en soient les causes
réelles. Nous en reprendrons
ici les conclusions. Effets stochastiques
-L’augmentation
des cancers de la thyroïde des enfants de moins de 18 ans au moment de l’accident
ne fait aucun doute et doit être reliée à l’irradiation. On peut
s’attendre à une augmentation future du nombre de tels cancers chez les
liquidateurs qui sont intervenus en 1986. -Il y a une tendance à
l’augmentation des leucémies chez les liquidateurs qui ont
travaillé sur le site en 1986-1987 et qui ont
reçu des doses notables. Toutefois, un tel
effet n’a été
observé de
manière significative que
chez les liquidateurs russes. -Chez les adultes ou les
enfants vivant dans les territoires contaminés, aucune augmentation
significative des leucémies n’a été observée. -Bien qu’on observe une
augmentation des tumeurs solides, il n’y a pas de corrélation
prouvée avec le niveau d’irradiation subi, tant pour les
liquidateurs que pour les populations évacuées ou déplacées. -On a observé des changements stables
des chromosomes des cellules somatiques. Une recherche s’impose
pour déterminer si de tels changements peuvent avoir des
incidences fâcheuses sur la descendance. Effets déterministes -Sur les 134
intervenants ayant reçu de 1 à 12 Gy sur l’ensemble du corps, 28
sont morts dans les trois mois suivants et 14 ultérieurement, de diverses
maladies. On a observé sur les autres divers désordres
somatiques différés, y compris des complications
psychosomatiques et des dommages de la peau. -On s’attend
à un développement de cataractes chez les liquidateurs ayant reçu
des doses élevées. -Il semble
qu’il y ait une augmentation des maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires et des désordres de la thyroïde (sans
cancers) chez les liquidateurs en relation avec leur
exposition, mais ce point doit être
confirmé Autres
effets sanitaires 15 ans après l’accident, d’autres types d’effets
sanitaires semblent être apparus ; d’abord des
maladies neuropsychiques et cardiovasculaires, mais aussi : -une
détérioration de l’état de santé et une
invalidité accrue des liquidateurs -une
diminution du taux de natalité et un
surplus de complications durant la grossesse -la mauvaise
santé des nouveau-nés et des enfants Ces effets
peuvent avoir plusieurs causes, liées à l’accident[24], comme la détérioration des conditions
socio-économiques, la résidence permanente dans
des territoires contaminés, la diminution des ressources alimentaires, la
déficience en vitamines, le déménagement, le stress psychologique. Le rapport
met ensuite l’accent sur l’importance des centres de « réhabilitation
psychosociale », et sur la coopération internationale, avant de
tirer des leçons de l’accident, dans le domaine médical : mauvaise
prévention par de l’iode stable, mauvaise dosimétrie des
liquidateurs, défaut d’information générale sur les
conséquences de l’accident, contribuant ainsi au
développement d’une psychose, insuffisante connaissance des praticiens sur les
effets des rayonnements et les moyens
de s’en protéger. Recommandations
de la Conférence de Kiev La conférence
demande qu’une attention particulière soit portée aux
groupes qui ont été les plus exposés, depuis les
intervenants ayant subi le syndrome du « mal des
rayons » jusqu’aux femmes enceintes
et aux enfants vivant dans les zones contaminées. Elle
comprend que les conditions de vie résultant de l’accident
ainsi que les changements intervenus en Union Soviétique ont eu des effets
psychosociaux non liés à l’intensité des rayonnements
subis mais contribuant au développement de maladies réelles. Il
convient donc de prendre des mesures pour assister et conseiller ces
populations. Il est recommandé, prioritairement : -d’établir des
registres pour caractériser les indices importants de santé publique et, par
l’analyse de différentes cohortes, identifier les changements
intervenus pour voir s’ils sont liés à l’irradiation ou à d’autres
causes. -de diagnostiquer
et traiter tous les types de cancers et les autres maladies (cardiovasculaires
nerveuses, pulmonaires, endocriniennes, les
désordres gastro-intestinaux et les maladies du
système hématopoïétique) -d’adopter
des contre-mesures pour réduire l’exposition des personnes -d’améliorer
les infrastructures de soutien
psychologique -d’aider les
populations à améliorer leurs
conditions de vie par des mesures médicales préventives et une
meilleure nutrition. -D’assurer
une bonne formation des médecins La
recherche devrait se concentrer sur divers thèmes : - le suivi des personnes qui étaient des enfants ou étaient en gestation au moment de l’accident (suivi continu des cancers de la
thyroïde) -
les
études épidémiologiques (relations entre
l’exposition et l’apparition de cancers) qui doivent
être confirmées par des revues
internationales entre spécialistes (pair reviews).
4.1. Pays européens
Le rapport de l'UNSCEAR ne mentionne que des études
concernant les affections tératogènes faites à Berlin, en Ecosse et dans les
régions les plus contaminées de Suède. Toutes ces études, fondées sur un petit
nombre de cas, ont été contestées par la suite. Les doses à Berlin et en Ecosse
n'ont atteint que 10% du rayonnement naturel et aucun pic de trisomie 21 n'a
été observé dans d'autres pays plus fortement contaminés (Belarus, Finlande). Selon d'autres auteurs, la mortalité périnatale en Allemagne
aurait augmenté significativement en 1987 ce qui a été attribué à l'accident de
Tchernobyl. Ces résultats ont été remis en question lorsqu'on s'est aperçu que
les doses d'irradiations dues au césium incorporé n'étaient que de 0.05 mSv. Aucune corrélation avec la dose d'irradiation n'a pu
être observée en Bavière. L'IPSN dans ses dossiers de presse fait état d'un
article de la revue Nature en 1996 qui impute à Tchernobyl une augmentation du
taux de leucémies en Grèce chez les enfants de moins d'un an à l'époque de
l'accident, phénomène que le Centre International de Recherche contre le Cancer
(CIRC) n'a retrouvé dans aucun autre pays d'Europe de l'Est ou d'Europe
centrale. Les experts de l'UNSCEAR ont focalisé leurs études
sur les pays européens ayant eu des territoires assez étendus contaminés
au-delà de 37 kBq/m2 (1 Ci/km2),
comme indiqué au tableau 4 ci dessus, et donc pas sur
la France. Examinons cependant la situation dans notre pays. 4.2. La
contamination du territoire national
De très nombreuses mesures ont été effectuées par
l'OPRI, l'IPSN, la CRIIRAD et sans doute d'autres laboratoires. La carte
départementale (fig 11) établie par l'IPSN confirme
que la contamination en césium 137 diminue globalement lorsqu'on se déplace
d'est en ouest. Les hétérogénéités locales sont plus accentuées : la nature du
terrain (boisé ou découvert), l'altitude, le ruissellement mais surtout la
pluie ont déterminé l'intensité de la contamination. Les dépôts par temps sec
de Cs-137 sont de l’ordre de 1000 Bq/m2 ,
qui se surajoutent à la rémanence des retombées des essais atmosphériques
d’armes nucléaires (2 000 à 3 000 Bq/m2. Mais les activités
augmentent avec la hauteur des pluies survenues et peuvent atteindre 30 000
Bq/m2 sur les terrains ayant reçu 50 mm d’eau. Ainsi : - dans les régions de l'est où les
précipitations ont dépassé 20 mm entre le 1er et le 5 mai, des
Activités Surfaciques Rémanentes (ASR) de 10 000 à 12 000 Bq/m2 ont
été constatées sur des prairies et surfaces agricoles. - lorsque les facteurs aggravants sont
combinés, des ASR de 20 000 à 37 000 Bq/m2 ont été relevés (Vosges,
Jura, Alpes, Corse). -des "points
chauds" ont été mis en évidence dans le massif du Mercantour, sur des
surfaces très réduites et des endroits peu accessibles, ce qui s’explique par
un phénomène de concentration locale consécutive à la fonte des neiges. L'IRSN
présente (réf 7) une cartographie détaillée des dépôts constatés dans le
sud-est de la France, en particulier en Corse, dans la région de Solenzara où
les précipitations ont pu atteindre 100 mm. Le niveau réel de
contamination du territoire français a fait l’objet de contestations diverses.
Pour qu’un consensus puisse s’établir, les Ministres de la Santé et de
l’Environnement ont demandé le 25/02/2002au Pr André Aurengo
(Hôpital de la Pitié-Salpêtrière) de présider un groupe de travail chargé de
réaliser sous six mois la cartographie de la contamination du territoire
français, et notamment de se prononcer sur le mode d’utilisation de ces
informations afin de reconstituer les doses et les risques correspondants pour
la population française. Activités des productions agricoles
et produits naturels
L'herbe
et les légumes feuilles ont été les végétaux les plus touchés. Les transferts
de radioactivité au lait sont intervenus en quelques heures et l'activité en
iode 131 a pu atteindre localement 1000 Bq/l les premiers jours. L'activité du
lait des brebis a été 2 à 3 fois supérieure du fait de leur alimentation. L'activité en césium de la viande a mis 3 à 6 mois
pour redescendre à 10 Bq/kg, sauf celle de certains sangliers (2 000 Bq/kg
mesurés dans les Vosges[25]).
Les champignons qui ont un vaste réseau souterrain à faible profondeur
concentrent les minéraux et le césium. Leur contamination peut varier de 15 à
50 000 Bq/kg. 4.3. Les doses reçues par la population
française
"La dose
moyenne reçue[26]
par les populations françaises estimée pour 1986 est comprise entre moins de
0.025 mSv dans l'ouest et 0.4 mSv
dans l'est. En 1997, la dose annuelle est de l'ordre de 0.001 à 0.015 mSv, ce qui est 100 à 1000 fois inférieur aux doses dues à
la radioactivité naturelle. Cette dose moyenne devrait encore diminuer. Dans la
moitié est de la France, les doses équivalentes à la thyroïde en 1986 ont pu
également être évaluées entre 0.4 et 2 mSv en moyenne
pour les adultes, et de 3 à 16 mSv en moyenne pour
des enfants de 5 ans. Pour certains
cas particuliers d'exposition, les doses calculées atteignent des valeurs de 1.5 mSv en 1986
et 1 en 1987 : elles correspondent à l'hypothèse extrême d'une présence
prolongée à l'air libre sur des zones contaminées et d'une consommation quasi
exclusive des aliments les plus contaminés aux époques considérées (produits
laitiers en 1986, produits forestiers en 1987).[27] L'accroissement d'irradiation globale résultant des
retombées de Tchernobyl est donc très inférieur aux variations sur notre territoire
de la radioactivité naturelle (sans parler de celle, bien supérieure due au
radon dans certaines habitations). Les mesures de concentration en césium 137
de l'atmosphère, faites à Orsay depuis 50 ans, montrent par ailleurs que la
part due à Tchernobyl ne représente qu'environ 2% de celle due aux essais
nucléaires aériens des années de guerre froide. 4.4. Les effets sanitaires en france
Toute concentration dans un organe d'éléments
radioactifs pouvant être néanmoins suspectée, la question d'une possible
induction de cancers de la thyroïde en France due à l'iode-131 (les autres
isotopes à vie courte ayant pratiquement disparu quand le nuage est arrivé sur
la France) a été posée malgré la faiblesse des doses, cent fois moindre que
celle des enfants du Bélarus. Il a été fait état, par
l'IPSN, d'une augmentation des cancers de la thyroïde chez l'enfant dans la
région PACA, pouvant être reliée aux conséquences de l'accident de Tchernobyl.
Cette communication, à caractère non scientifique, a été ensuite rectifiée : en
effet, le nombre plus élevé de cancers de la thyroïde inscrit dans les
registres de la région PACA, après l'accident de Tchernobyl, n'avait qu'une
origine technique. Quand on met en place un registre d'incidence des cancers,
les premières années montrent des fluctuations liées à l'introduction de
cancers diagnostiqués à différentes époques. C'est ce sur-enregistrement qui a
été constaté. L'interprétation d'une augmentation vraie de l'incidence était
donc erronée et a été rectifiée par les services compétents du ministère de la
Santé. Les registres d'incidence des cancers de l'enfant établis plusieurs
années avant l'accident de Tchernobyl ne mettent pas en évidence de variation
imputable à l'accident, comme l'a montré une étude concernant la région
Champagne Ardennes[28]. Une étude
épidémiologique plus récente dans la région de Franche-Comté, aboutit au même
résultat[29]. En fait, le nombre recensé de cancers de la thyroïde
augmente lentement et régulièrement en France, depuis 1975, comme dans les autres
pays européens ou aux Etats-Unis (non contaminés par Tchernobyl), mais la
mortalité par ce type de cancer ne croît
pas. Cette augmentation (dont la "pente" a été d'ailleurs
trouvée plus forte dans certaines régions Dans un communiqué commun de décembre 2000, l'IPSN
et l'InVS, utilisant l'hypothèse d'une relation linéaire dose-effet sans seuil,
chiffrent entre 7 et 55 le nombre de cancers de la thyroïde qui pourraient être
imputés à l'accident sur la période 1991-2015 (pour 900 cas spontanés attendus)[30].
Ce calcul théorique a pour intérêt de donner une valeur maximum de l'effet
recherché, mais ne vaut que ce que vaut l'hypothèse de linéarité, très
contestée en tant que modèle prédictif (voir annexe). D'autre part, il utilise
comme modèle de risque des données provenant d'irradiations externes faites à
des débits de dose plus de mille fois supérieurs à ceux résultant de l'iode
131. Comme l'indique par ailleurs l'IPSN, "compte tenu des limites méthodologiques indiquées ci-dessus et des
incertitudes sur l'existence d'un risque aux faibles doses, il est aussi
possible que l'excès réel de risque de cancer thyroïdien, aux niveaux de dose
considérés ici, soit nul." Cependant, plusieurs
centaines de personnes atteintes de cancers de la thyroïde
s’estimant victimes des retombées en France de l’iode radioactif de
Tchernobyl ont décidé de porter plainte contre l’Etat, qui n’aurait pas
pris de mesures de précaution appropriées, et une information
judiciaire a été ouverte le 3/07/2001[31]. On peut
constater que les accusations portent sur la justesse
des informations données sur les
niveaux de contamination beaucoup plus que sur le niveau des risques
réels encourus. 4.5. Rappel et reflexions sur la communication
C'est par le journal télévisé du lundi 28 avril 1986
que chacun prit connaissance en France d'un accident nucléaire survenu sur une
installation soviétique. Le matin même, des détecteurs de radioactivité à
l'entrée des centrales nucléaires suédoises avaient donné l'alerte : les
employés étaient contaminés. Le soir même, l'agence TASS reconnaissait
l'existence d'un grave accident et précisait son origine : le réacteur n° 4 de
la centrale de Tchernobyl. Le 29 avril, le Service Central de Protection contre
les Rayonnements Ionisants (SCPRI)[32]
dépendant du Ministère de la Santé faisait procéder à des prélèvements d'air
par des avions de ligne survolant le nord de l’Allemagne et communiquait à
l'Agence France Presse la composition des gaz radioactifs présents dans les
couches atmosphériques traversées. Dès lors, le devenir des masses d'air
contaminées, appelées improprement "nuage"[33]
de Tchernobyl, allait passionner et inquiéter l'opinion, d'autant que des vents
variables d'un jour à l'autre allaient disperser dans différentes directions
des émissions qui ne furent maîtrisées qu'au bout de dix jours. La France fut affectée par des produits radioactifs
émis le 27 avril, qui parvinrent sur ses frontières du sud-est puis de l'est
dans la nuit du 29 au 30, soit quatre jours après l'accident. Ils furent
détectés par le réseau national de balises du SCPRI, les stations météo des
centres du CEA et des centrales EDF, ainsi que par diverses autres stations
(Monaco par exemple). Le 30 avril à minuit, le SCPRI envoya à l'AFP un
communiqué indiquant "sur certaines
stations du sud-est une légère hausse de la radioactivité atmosphérique, non significative pour la santé publique",
ce qui fut rapporté par la presse du 2 mai. Il régnait alors en Europe et sur
la France un régime instable de courants atmosphériques et les particules
radioactives lessivées par des pluies locales se déposèrent en formant des
taches radioactives irrégulières dont l'intensité locale ne put être constatée
qu'ultérieurement. Toutefois l'action du temps et de la distance avait permis
de diluer les matières en suspension. L'intensité des retombées était bien
moindre que dans d'autres pays européens et d'un facteur 100 à 1000 fois plus
faible que celle affectant certaines régions de l'URSS. C'est le SCPRI qui, conformément à sa mission,
effectua l'essentiel des mesures de radioactivité sur notre territoire (plus de
5000 du 30 avril au 31 mai), en évalua les conséquences sanitaires et assura la
communication correspondante (un communiqué quotidien aux autorités et aux
principales agences de presse), le CEA se chargeant de l'information sur
l'accident lui-même et tentant, à l'aide de codes de diffusion atmosphérique,
d'estimer l'importance probable des retombées sur notre sol. Des cellules
d'information téléphonique furent ouvertes au public au SCPRI (24 heures sur
24) et au Siège du CEA. Le chef du SCPRI et le directeur de l'IPSN furent
sollicités sur les ondes et à la télévision. Suite à l'émotion suscitée par
l'accident, le ministre délégué chargé de la Santé et de la Famille, Mme Barzach[34],
fit paraître le 16 mai deux communiqués : "La Santé
n'est aucunement menacée par les conséquences de cet accident. Les activités
courantes peuvent donc être poursuivies sans précautions particulières,
notamment : - alimentation : les eaux habituellement
potables, le lait, les produits alimentaires frais ou de conserve peuvent être
consommés quel que soit l'âge du consommateur, - activités en plein air : elles peuvent être
menées sans modification (travaux divers, jeux, sports, promenade,
baignade)" "le déroulement des grossesses en cours ne nécessite
aujourd'hui, à ce titre, absolument aucune précaution particulière" L'encadré ci-après rappelle les actions de
communication du SCPRI pour la période du 28 avril au 31 mai[35] - 1759
télex et 905 télécopies expédiés ou reçus - réception
de plus de 3500 appels téléphoniques - distribution
de plus de 500 consignes sanitaires aux préfets, DDASS, DDPC, Centres anti-poisons, contrôles sanitaires
aux frontières, médecins, pharmaciens et particuliers - réception
de 18 équipes (plus de 40 reporters et cameramen) de journalistes de presse, de
radio et de télévision. Pour le seul 30 avril, 6 chaînes de télévision (dont 3
américaines et une japonaise). Dans son rapport annuel pour 1986, l' IPSN écrit de son côté : "La
pression médiatique a été très importante et, en accord avec la Direction du
CEA, la Direction de l'IPSN a joué dès le début la carte de la transparence et
de la disponibilité maximales, pour les sujets ressortissant de sa responsabilité. Les principales actions de
communication ont revêtu la forme d'émissions télévisées sur les chaînes
françaises et sur des chaînes locales et étrangères ; de conférences de presse
par le Directeur de l'Institut[36]
; de contacts téléphoniques ou directs avec des journalistes de toute la presse
française et étrangère ; d'exposés audiovisuels au profit des ministères, de
comités officiels, de sociétés savantes, d'EDF et Framatome, etc. ; de réponses
à des questions du milieu médical ou de particuliers ; de l'élaboration et de
la diffusion aux agences de presse et à la presse, de documents techniques dont
le "rapport Tchernobyl" etc. Ces bilans quantitatifs sur la communication, à
première vue satisfaisants, tranchent avec l'image désastreuse qu'en ont donné les médias, mettant en question sa forme et/ou son
contenu, ce qui montre sans doute qu'elle n'était pas adaptée à son temps. Les
intervenants n'ont pas réussi à faire partager leurs convictions affichées sur
le faible danger encouru par la population française. On peut invoquer
plusieurs causes objectives : - la gravité de l'accident était sans
précédent connu à l'époque. L'accident de Three Mile
Island en 1979 n'avait eu aucune conséquence radiologique hors de l'enceinte du
réacteur, les seules victimes à déplorer provenant de l'affolement consécutif à
une décision d'évacuation hâtive et mal gérée de la population. Quant à celui
beaucoup plus ancien (1957) de Windscale en Grande
Bretagne, il n'avait conduit qu'à détruire 3000 tonnes de lait, dont l'activité
était supérieure au seuil défini alors, soit 3700 Bq/l. - les réacteurs de type RBMK étaient
mal connus et l'URSS ne donnait que très peu d'informations sur l'accident. Il
fallut attendre quatre mois pour qu'une réunion organisée au siège de l' AIEA (en août) avec un spécialiste soviétique (le Dr Legassov) éclaire la communauté nucléaire mondiale. Le
CEA/IPSN en fut donc réduit à émettre des hypothèses sur les évènements qui
avaient pu survenir et leur gravité : défaut de refroidissement comme à TMI,
excursion de puissance ? - les retombées en France survenaient à
la veille d'un "pont" démarrant le lendemain jeudi 1er
mai, jour où la presse ne paraît pas (certains correspondants habituels étaient
absents) et où l'activité du pays fonctionne au ralenti. - le temps alloué aux
interviews télévisés ne permet guère d'expliquer les fondements de la
radioprotection et les multiples unités utilisées, certaines d'entre elles
encore d'usage récent. Mais il faut reconnaître aussi qu'il avait fallu
improviser rapidement l'organisation de la communication officielle et que
celle-ci fut jugée trop centralisée. Les déclarations, plus qualitatives que
quantitativement étayées, selon lesquelles les retombées en France ne
présentaient aucun danger sanitaire heurtèrent les tenants de l'hypothèse de
linéarité des effets aux doses sans seuil, qui considèrent que tout surcroît
d'irradiation, même très faible, est nuisible à la santé[37].
Divers laboratoires universitaires effectuèrent de leur propre initiative des
mesures de radioactivité dans l'environnement et publièrent leurs résultats
bruts assortis de leurs commentaires. Ces actions furent à l'origine
d'associations diverses, telles la CRII-RAD[38],
qui participent aujourd'hui à certaines campagnes de mesures. Hors
de l'URSS, les pays européens exposés à la contamination radioactive prirent
des mesures restrictives pour la consommation des produits alimentaires et les
experts de la Communauté Européenne durent se réunir à plusieurs reprises (les
6, 16, 25 et 30 mai) pour définir des seuils d'activité massique acceptable
pour les denrées alimentaires importées des pays tiers (le 6 mai, une valeur
limite de 500 Bq/l en I-131 fut adoptée pour le lait, seuil, on le voit,
beaucoup plus contraignant que celui admis en 1957 lors de l'accident de Windscale). L'Allemagne en particulier, assez touchée dans
certaines régions (Bavière notamment) prit sur l'ensemble de son territoire des
mesures que le gouvernement français n'adopta pas. Une phrase dont l'origine
mériterait d'être élucidée fut rapportée selon laquelle "le nuage n'avait
pas traversé la frontière"[39].
Les critiques les plus récentes adressées au Professeur Pellerin, chef du SCPRI
de l'époque, le conduisirent à porter par deux fois plainte pour diffamation,
une première fois contre les auteurs d'un livre[40]
(le tribunal se déclara incompétent sur le fond mais reconnut la diffamation),
la seconde contre le député européen Noël Mamère et
France Télévision. Le jugement de ce procès, gagné en première instance le
11/10/2001, a été confirmé en appel le 3/10/2001. L’arrêt précise « qu’il
ressort du dossier que celui-ci (M.Pellerin)
n’a jamais tenu de tels propos (sur le non-survol de la France par le nuage
radioactif), et que sa position était de dire que le taux de radioactivité
avait augmenté en France – ce qui signifiait forcémént
que le pays avait été survolé _ mais que cette augmentation n’aurait aucune
conséquence néfaste sur la santé publique, ce qui n’a toujours pas été réfuté
avec certitude ». Lors d’un accident inattendu et très médiatisé comme
celui-ci, deux écueils doivent être évités : prendre des mesures de
précaution excessives susceptibles de provoquer, du fait d’interprétations diverses,
des paniques injustifiées entraînant des conséquences fâcheuses (un des risques
est ici d’inciter indirectement à des interruptions volontaires de grossesse
totalement infondées, comme il s’en serait produit dans plusieurs pays d’Europe[41]),
et inversement tenir des propos trop rassurants laissant croire que l’on traite
à la légère les questions de santé publique et que l’on cache l’ampleur des
risques. Le « principe de précaution » tant invoqué de nos jours ne
doit pourtant pas inciter les décideurs à se défausser d’un risque très minime
où leur responsabilité pourrait être recherchée, en faisant courir en
contrepartie des risques très supérieurs, mais les engageant moins
personnellement. Mieux vaut sans doute
privilégier de vraies mesures préventives Dans son éditorial du bulletin de l'OPRI de décembre
2000, le Professeur Lacronique écrit : "En tant
que Président de l'organisme qui a succédé au SCPRI,
il m'arrive souvent de devoir répondre à la question suivante: "Que feriez vous aujourd'hui si vous
étiez confronté à un accident identique ?". Ma réponse est invariable:
"Je ferais sans doute le même diagnostic sanitaire pour la France que mon
prédécesseur en 1986. Mais comme nous sommes en l'an 2000 et que les attitudes
ont changé depuis cette époque, je ferais ce qu'il ferait sans doute lui-même
aujourd'hui à ma place, en multipliant les mesures de précaution, et surtout en
faisant jouer les mécanismes de décision collective du réseau de sécurité du
nucléaire français." Nombre de grands médecins, constatant le nombre de
morts imputables au tabac rien qu'en France depuis l'accident de Tchernobyl
(près d'un million) et le peu d'écho de leurs mises en garde sur ce danger,
s'étonnent des réactions que suscite la crainte d'un seul décès éventuel par cancer de la thyroïde (risque qu'ils
réfutent). Mais sans doute la comparaison entre les risques librement consentis
par les individus (certaines attitudes sont quasi suicidaires, ou
involontairement meurtrières) et leurs exigences en matière de sécurité
publique relève-t-elle plutôt du sociologue que du médecin. Ils s'interrogent également sur leurs
responsabilités en matière d'information et les moyens d'améliorer cette
dernière[43] La
création en janvier 2001 d'une Fédération des Enseignants de Radiobiologie,
Radiothérapie et Radioprotection (FE3R) veut répondre à cette préoccupation. Encore faut-il que sa voix puisse se
faire entendre. Liste des Figures :
1
– Coupe du réacteur accidenté. (Source : rapport UNSCEAR) 2 et 3 – Panaches radioactifs des 26 et 27 avril.
(Source : IPSN) 4 à 7 – Cartes de contamination en I-131. Sr-90, Pu,
Cs-137 (Source : UNSCEAR) 8 –
Contamination de l'Europe. (Source : UNSCEAR, repris par IPSN) 9
– Exemple d'évolution de la contamination du lait de 1988 à 1997 (Source :
IPSN) 10 – Evolution du nombre de cancers de la thyroïde.
(Source : UNSCEAR) 11 – Contamination moyenne des départements français
(Source : IPSN) Bibliographie
1 - UNSCEAR 49°
session, Vienne, 2-10 mai 2000 Annexe G (Exposures
and effects of the Chernobyl
accident) 2 UNSCEAR
50° session, Vienne, 23-27 avril 2001. Radiation-related
cancer resulting from the Chernobyl accident) 3 - Tchernobyl 10 ans après. Dossier de
presse IPSN 1986 4 - Tchernobyl 13 ans après. Dossier
de presse IPSN avril 1999 5 - Tchernobyl 14 ans après. Dossier
de presse IPSN avril 2000 6
- Tchernobyl 15 ans
après Dossier de presse IPSN avril 2001 7
- Tchernobyl 16 ans
après. Dossier de presse IRSN avril 2002 8 - Tchernobyl Dix ans déjà. OCDE/AEN
novembre 1995 9 - 4ème colloque
"Nucléaire et santé : actualités" 25/01/2001 10 - Evaluation
des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France : dispositif
de surveillance épidémiologique, état des connaissances, évaluation des risques
et perspectives. Rapport IPSN/InVS de décembre 20 11 - A.Aurengo
et al Bull.Acad.Natle.Méd., 1998,182 n°5 11 3rd International Conference
Kiev 4 to 8 june 2001
Health effects of the Chernobyl accident :Results of 15-year follow-up studies;Kiev; 4 to 8 june 2001 12
- Health effects of the Chernobyl accident
:Tskyb, Ivanov (Russie); Ostapenko (Belarus); Bebeshko, Bobyleva (Ukraine),Tirmarche
(France). ********* Annexe
:
|
Valeurs moyennes |
Valeurs
courantes en
France |
Valeurs
extrêmes dans
le monde |
|
Radioactivité naturelle Exposition
externe naturelle –
origine cosmique (1) –
origine terrestre (2) Exposition
interne naturelle –
potassium 40 (3),C-14 –
Plomb, Bismuth+Polonium (4) –
Radon et descendants (5) Total |
0,36 0,41 0,18 0,12 1,26 2,33 |
0,3
à 2 0,05
à 1,5 0,18 0,12 0,2
à 60 |
55
(cosmonautes) 175
(Brésil)– 400 (Iran) 500
(Suède, France) |
Radioactivité due aux
activités humaines –
origine médicale (6) –
essais nucléaires aériens (7) –
industrie nucléaire (8) Total |
1 0,1 0,02 1,12 |
(1) augmente avec l'altitude (+0,3 mSv de 0 à 2000m)
(2) dépend de la nature du terrain (teneurs en
uranium, thorium)
(3) La concentration en potassium, qui a une teneur
fixe en K-40, est une constante biologique
(4) par voie alimentaire
(5) des locaux mal ventilés dans des zones
granitiques peuvent conduire à des doses importantes et les Communautés
Européennes recommandent de prendre des dispositions au-dessus d'une
concentration de 400 Bq/m3 qui n'est pas rare (et qui pourrait
correspondre à une dose de 10 mSv en cas d'exposition
24h/24)
(6) pour les besoins du diagnostic uniquement
(7) cette irradiation diminue avec le temps depuis
la fin des essais aériens
(8) hors situation accidentelle
Référence :
Pharmaciens et nucléaire, février 1995
Radioactivité
naturelle |
Radioactivité
artificielle |
|
Milieu
terrestre Plantes (Bq/kg poids sec) Sol (Bq/kg poids sec) Lait (Bq/l) |
2000 1500 30 |
1
à 10 1
à 15 0.1
à 0.5 |
Milieu
aquatique Plantes (Bq/kg poids sec) Sédiments(Bq/kg
poids sec) Poissons (Bq/kg poids frais) |
1300 1500 400 |
3
à 200 2
à 30 1à
5 |
Eau
de rivière Eau
de pluie Eau
de mer Charbon Sol
sédimentaire Sédiments
Isère (K 40) |
0.3
Bq/l 0.3
à 1 Bq/l 12
Bq/l 250
Bq/kg 400
Bq/kg 1000
Bq/kg |
Béton Briques Plâtre Croûte
terrestre Engrais
phosphatés Sol
granitique |
700
Bq/kg 1000
Bq/kg 1000
Bq/kg 2000
Bq/kg 5000
Bq/kg 8000
Bq/kg |
[1] On a appelé "liquidateurs" (terme d’origine française utilisé en russe) les divers civils et militaires intervenus sur le site après l'accident pour divers travaux d'assainissement.
[2] Voir à ce propos la publication de l'Institut de Veille Sanitaire (InVS) et de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) de décembre 2000.
[3]
Ce comité, créé en 1955 pour analyser les effets sanitaires des essais
atomiques aériens, a étendu son champ de compétence
aux rejets radioactifs de toutes natures. Il réunit actuellement des
scientifiques de haut niveau de 21 pays et s’appuie sur l'expertise de
centaines d'experts.
[4]Le rapport de ce Bureau a pour objectif de récolter des
fonds pour financer un programme d'aide aux territoires les plus
contaminés.
[5] lettre du 8 juin 2000
[6] D’autres experts ont également participé aux travaux, notamment Margot Tirmarche de l’IPSN.
[7] Comment rester sans réaction devant les excès de certaines émissions de télévision! Que l'on puisse, par exemple, présenter des photos bien connues de fœtus en bocaux, victimes de la thalidomide, pour les imputer à Tchernobyl est scandaleux et devrait pouvoir être sanctionné. De même, l'émission du 12/10/2001 sur FR3, "Tchernobyl, autopsie d'un nuage" a suscité les réactions indignées de sept sociétés savantes, compétentes en radiologie et biophysique.
[8]
Citons aussi les diverses communications du 4ème colloque
"Nucléaire et Santé" (25 janvier 2001)
[9] L'annexe G du rapport de l'UNSCEAR (expositions et effets
de l'accident de Tchernobyl) comporte plus de quatre cents références.
[10] En 1972, dans le cadre d'un accord général d'information entre le CEA et son homologue soviétique (le GKAE), nos physiciens avaient pris connaissance des projets RBMK et de cette particularité et avaient mis en garde leurs interlocuteurs contre ses dangers. Une mission britannique avait, elle aussi, fait les mêmes remarques. Le GKAE était donc bien conscient de l’existence d’un risque.
[11] Le
Xénon-135 est un produit de fission de 9.2 h de période, extrêmement avide de
neutrons, dont la teneur dans le combustible se modifie lors des variations de
puissance du réacteur. Son augmentation (ou sa diminution) modifie à son tour
le coefficient multiplicateur local de la réaction en
chaîne et en conséquence la distribution des neutrons dans le réacteur.
[12] La partie active du cœur
se réduisait à une galette plate de grand diamètre, très instable
radialement, conduisant à des premiers dégâts sur quelques canaux seulement.
[13] C'est nous qui soulignons. Ajoutons que Valery Legassov, avant de se suicider, avait dans un testament reconnu les mêmes travers.
[14] source: note IPSN de décembre 2000 et réf 7
[15] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen
[16] Technical Assistance to the Community of Independent States (721 millions d'euros engagés de 1991 à 1999 pour 650 projets).
[17] Pierre Tanguy, Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire à EDF
[18] Ce paragraphe prend ses sources dans la référence (6)
[19] Lire aussi l'exposé de A.Flüry-Hérard au 4ème colloque "Nucléaire et santé"
[20] Plus la période est courte et plus le débit de dose délivré par l'isotope ingéré est élevé.
[21]
Soit deux ans après le bilan établi par l'UNSCEAR
[22] Le rapport de l'UNSCEAR d'avril 2001 est moins affirmatif et laisse entrevoir une légère augmentation de la fréquence du cancer du sein entre 1993 et 1997.
[23] Bull.Acad.Natle.Méd.,1998, 182 n°5, A.Aurengo et al
[24] Le rapport ne cite pas dans ce § d’autres causes de stress liées aux changements politiques et économiques intervenus.
[25] A titre de comparaison, à la même période, des activités supérieures à 10 000 Bq/kg ont été retrouvées dans des sangliers de Bavière; le ministère de la santé bavarois n'a pas interdit la consommation de ces animaux mais seulement leur vente.
[26]
du fait de l'accident de Tchernobyl,
il s'agit ici de la dose efficace, avec un coefficient de pondération du tissu
thyroïdien de 0,05.
[27]
Dossier de presse IPSN "Tchernobyl, 14 ans après" (page 36).
[28] Colloque Nucléaire et Santé du 25/01/2001 Communication de M.C.Schvartz.
[29] Communiqué de presse d’octobre 2001 du Pr J-F Viel, responsable scientifique, Dr F.Mauny, chargé de la mise en œuvre de l’étude, Dr M. Olivier-Koehret, président du comité de pilotage.
[30] Rapport IPSN/InVS de décembre 2000.
[31] La juge d’instruction, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a fait procéder à diverses perquisitions en début d’année 2002.
[32] Transformé ultérieurement en OPRI (Office de Protection etc).
[33] Les spécialistes utilisent le terme de "panache" (en anglais "plume") qui ne préjuge pas de son hygrométrie.
[34] Le premier gouvernement de « cohabitation » qui faisait suite aux élections du 16 mars 1986 avait un mois d’existence
[35] document SCPRI du 11/06/1986 (Accident de Tchernobyl. Récapitulatif).
[36] François Cogné, (dont une conférence de deux heures tenue le 2 mai conjointement avec l'Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire d'EDF, Pierre Tanguy).
[37] Les milieux antinucléaires considèrent démontré ce qui, en l'état actuel des connaissances, n'est qu'une hypothèse adoptée à titre de précaution (voir annexe).
[38] Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la Radioactivité
[39] S’agit-il d’un commentaire ironique ou d’une véritable déclaration maladroite et mal comprise ?
[40] Hélène Crié, journaliste, et Michèle Rivasi, députée, fondatrice de la CRII-RAD
[41]On a fait état de plusieurs dizaines de milliers d’IVG (rapport IPSN « Tchernobyl, dix ans après », reprenant des articles de « Biomed et Pharmacother » de 1991 sur le Danemark et l’Italie, et du « British Medical Journal » de 1987 sur la Grèce)
[42] Un exemple de précaution bien comprise a été d’imposer aux constructeurs des REP l’installation de filtres à sable permettant de piéger les iodes et césiums en cas d’accident grave (cf ci-dessus §1.7). Cette mesure, propre aux réacteurs français, a été imposée justement par le Pr Pellerin.
[43] Santé et Rayonnements Ionisants (mai 2001). Editorial du
Professeur
Tubiana