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Rapporteur  : Bernard Lerouge

 

 

Le GR 21 réunit, au sein de la Société Française d'Energie Nucléaire (SFEN), des cadres retraités aux multiples compétences qui réfléchissent en commun et en toute indépendance aux questions relatives à l'énergie et à l'environnement.

 

 

Ce texte reprend celui du dossier établi en mai 2001 (15 ans après), en l’actualisant ou en apportant des compléments. Les modifications portent essentiellement sur la présentation générale, les § 1.1 3.9 4.2 – 4.4 4.5 et la bibliographie.


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L'accident de Tchernobyl LE Dossier  16 ANS APRES. 5

Présentation générale. 8

Première partie : l'accident et sa gestion technique. 11

1.1.            Le site et le réacteur. 11

1.2.            Le scenario de l'accident 12

1.3.            Les diverses causes de l'accident 15

1.4.            Premières interventions. 17

1.5.            Les mesures d'assainissement radioactif. 18

1.6.            L'assistance technique et financiere internationale. 19

1.6.1.               Aspects politiques et financiers. 19

1.6.2.               Le projet SIP (Shelter Implementation Plan). 20

1.7.            Les enseignements tirés de l'accident 21

Deuxième partie : les contaminations et les doses. 25

2.1.            Les rejets d'éléments radioactifs. 25

2.2.            Les contaminations. 27

2.3.            Les mouvements de population. 30

2.4.            Les doses reçues par la population évacuée. 31

2.4.1.               Doses par exposition externe. 32

2.4.2.               Doses par exposition interne. 32

2.5.            Les contaminations et les doses dans les zones non evacuees  33

2.6.            SITUATION ACTUELLE 34

Troisième partie : les effets sanitaires. 37

3.1.            Les conséquences sanitaires dans les Républiques de l'ex-URSS  37

3.2.            Les effets "déterministes". 37

3.3.            Les effets aleatoires (ou "stochastiques") 39

3.3.1.               Méthodologie. 39

3.3.2.               Les cancers de la thyroïde. 40

3.3.3.               Les leucémies. 42

3.3.4.               Autres tumeurs solides. 42

3.4.            Les affections congénitales. 43

3.5.            Autres affections (psychologiques et autres). 43

3.6.            Effets immunologiques. 44

3.7.            Mortalité globale. 44

3.8.            Les coopérations médicales internationales. 45

3.9.            Les Conclusions de la conférence de kiev. 46

Quatrième partie : Conséquences dans d'autres pays européens. Cas de la France  50

4.1.            Pays européens. 50

4.2.            La contamination  du territoire national 51

4.3.            Les doses reçues par la population française. 52

4.4.            Les effets sanitaires en france. 53

4.5.            Rappel et reflexions sur la communication. 55

Liste des Figures : 61

Bibliographie. 61

Annexe : LES EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR L'HOMME  (RAPPELS GENERAUX). 62

1.               Les unités. 62

2.               Les effets déterministes. 63

3.               Les effets stochastiques. 63

4.               Les effets héréditaires. 65

5.               Les principes et normes de radioprotection. 65

6.               Expositions courantes au rayonnement 66

7.               Activités couramment rencontrées dans la nature. 68

 

 


 

Le 26 avril 1986, à 01.23. 40 du matin (heure locale) survenait dans un réacteur électronucléaire de forte puissance de la centrale ukrainienne de Tchernobyl (dans l'ex-URSS) le pire accident que cette forme d'énergie ait connu.

 

Cette catastrophe dont les multiples conséquences sanitaires, économiques et sociales, directes ou indirectes, ont affecté l'Ukraine, la Belarus et la Fédération de Russie ont eu bien d'autres répercussions nationales et internationales : sans doute a-t-elle achevé  de convaincre Mikhaïl Gorbatchev, au pouvoir depuis un an, d'accélérer les réformes de l'URSS (perestroïka, glasnost); mais le monde entier, déjà ébranlé par l'accident de la centrale de Three Mile Island survenu sept ans plus tôt, s'est à nouveau interrogé sur les risques que faisait courir l'énergie nucléaire, et dans nombre de pays européens sous le vent des retombées radioactives, l'émotion et l'inquiétude des populations ont conduit plusieurs gouvernements à réviser considérablement leurs programmes.

 

Pris de court, et sans information directe en provenance de l' URSS durant les quatre mois qui ont suivi, les experts des pays occidentaux ont eu beaucoup de mal à donner à chaud des réponses satisfaisantes aux questions des médias, d'autant que certains problèmes nouveaux, par exemple sur l'évolution de la contamination de l'environnement, se posaient à eux. Actuellement, les conséquences sanitaires de l'accident dans les pays les plus affectés font encore l'objet de polémiques hors des cercles restreints de spécialistes, et les estimations les plus fantaisistes circulent sur le nombre réel de victimes déjà recensées ou de personnes "potentiellement condamnées". En France, nombreux sont ceux qui sont convaincus que notre pays a réellement souffert des retombées constatées sur notre sol.

 

Il y a, il est vrai, de réelles difficultés à connaître précisément les effets de la catastrophe, du fait que ces effets, s'ils existent, sont dans de nombreux cas masqués par les occurrences spontanées de même nature. C'est notamment le cas tant pour les "liquidateurs"[1] que pour les populations concernées en Ukraine, Belarus et Russie, pour les leucémies et cancers autres que ceux de la thyroïde; c'est également le cas en France pour les cancers de la thyroïde. Les études épidémiologiques sont impuissantes à discerner les pathologies provoquées par les rayonnements parmi l'ensemble des pathologies observées[2]. Comment s'étonner, dans ces conditions, que certains attribuent à la catastrophe toutes les pathologies, alors que d'autres considèrent qu'on ne peut rien lui attribuer ?

 

Il existe cependant un domaine où le "bruit de fond" ne masque pas les conséquences de la catastrophe : il s'agit des cancers de la thyroïde des enfants nés avant l'accident dans les régions du Belarus, de l'Ukraine et de la Russie ayant subi de fortes retombées d'iode radioactif. Ces cancers d'enfants sont normalement rares, alors qu'une épidémie est apparue dans ces régions au bout d'un temps de latence de quatre années et se poursuit encore aujourd'hui. Selon le Comité Scientifique des Nations Unies sur l'effet des Rayonnements Atomiques (nous utiliserons le sigle anglais UNSCEAR[3]), ces cancers sont bien recensés et on en aurait dénombré 1800 à fin 1998. Une autre organisation internationale, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires[4] (en anglais OCHA) a cependant publié, début 2000, un communiqué faisant état de plus de 11 000 cas, sans indiquer ses sources ; ce chiffre a été abondamment repris par les médias et le président de l'UNSCEAR s'est ému auprès du Secrétaire Général des Nations Unies d'une telle information, infondée selon lui[5]. Autant des opinions différentes pouvaient s'expliquer lorsque les effets de la catastrophe étaient indiscernables du bruit de fond, autant elles ne s'expliquaient pas dans ce cas ci. M.Kofi Annan a alors décidé d’organiser à Kiev, du 4 au 8 juin 2001, une troisième conférence sur les « effets sanitaires de l’accident de Tchernobyl », en y convoquant des représentants de l’ UNSCEAR, de l’ OCHA, de L’Agence Internationale de l’ Energie Atomique (AIEA) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), aux côtés d’organismes compétents des trois républiques concernées de l’ex-URSS[6]. Nous ferons part dans ce dossier des conclusions de cette dernière conférence.

 

A plusieurs reprises, la dernière en 1996, la SFEN a tenté de trier dans les informations données par les médias "le vrai, du faux et de l'incertain"[7]. Notre objectif ici est de rassembler et condenser du mieux possible les informations disponibles sur les causes et conséquences de cet accident en renvoyant le lecteur à des rapports plus détaillés et bien documentés. Nous nous appuierons essentiellement sur les rapports de l'UNSCEAR, dont celui d'avril 2001, , les conclusions de la conférence de Kiev, les bilans publiés par l'IPSN (aujourd’hui IRSN), les rapports du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et de l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), ainsi que sur des informations transmises par des médecins français en contact avec leurs homologues des pays contaminés[8].

 

              La prudence s’impose. La validation des données scientifiques, est une étape obligée de la connaissance des faits, est mal comprise de l'opinion Ces données, matière première de la théorie scientifique, sont acquises lentement, vérifiées, évaluées par les pairs, confrontées au doute systématique et organisées dans un ensemble cohérent par un jeu d'hypothèses annoncées[9]. Les scientifiques condamnent de manière stricte toute manipulation dans l'acquisition du fait expérimental (ou épidémiologique) qui sera transformé en donnée scientifique : ce point très sensible est l'occasion régulière de procès faits aux auteurs indélicats. Ces caractéristiques opposent évidemment la connaissance scientifique, résultat d'une procédure universelle, à l'information, qui n'obéit qu'à la bonne foi de ses auteurs dans les cas les plus favorables.

 

Le présent document est divisé en quatre parties.

- la première traite de l'accident proprement dit en s'étendant sur son déroulement et ses causes,

- la seconde rappelle les rejets de radioactivité, les contaminations, les évacuations de la population et les doses qui en ont découlé dans l'ex-URSS,

- la troisième expose les conséquences sanitaires connues à ce jour dans les pays de l'ex-URSS,

- la dernière a trait aux conséquences constatées dans d'autres pays d'Europe et particulièrement en France (contaminations, irradiations, risques sanitaires). Les problèmes de communication rencontrés dans le passé sont évoqués.

 

L'annexe rappelle les notions principales de radioprotection utiles à la compréhension du texte (définitions, unités, effets des rayonnements, niveaux d'irradiation courants).

 

 

 

  1.1.      Le site et le réacteur

 

L'accident est advenu, lors d'un essai de sécurité mal conduit, sur la tranche la plus récente du complexe électronucléaire de Tchernobyl situé à un peu plus de cent kilomètres au nord de Kiev, capitale de l'Ukraine (2,6 millions d'habitants), et à une vingtaine de kilomètres au sud de la frontière du Belarus. Le complexe comportait quatre réacteurs du type RBMK en fonctionnement et deux en construction. Le refroidissement des réacteurs était assuré par l'eau d'un lac artificiel construit sur la rivière Pripiat, affluent du Dniepr.

 

La ville ancienne de Tchernobyl (12 500 habitants) se trouve à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la centrale et une cité nouvelle (Pripiat) de 50 000 habitants avait été construite à sa proximité (à 3 km) pour accueillir les personnels d'exploitation et leurs familles. Le pays, boisé, avait une faible densité de population (115 000 à 135 000 habitants au total dans un rayon de 30 km).

 

Les réacteurs du type RBMK ont été développés pour produire de l'électricité et, à la demande, du plutonium de qualité militaire. Certaines caractéristiques techniques en découlent, notamment le fait de placer le combustible dans des « tubes de force » pour permettre le déchargement du combustible, réacteur en marche, ce qui permet d'ajuster le taux d'irradiation de ce dernier à la valeur désirée. Cette technique permet aussi de réaliser des unités de grande puissance sans avoir à forger et à transporter de grosses cuves, opérations délicates que ne maîtrisait pas l’URSS à cette époque. Ces réacteurs n'ont jamais été exportés hors de l'URSS et étaient donc mal connus du monde occidental. Le premier de ce type a été construit à Obninsk en 1954 et le premier 1000 MW a été couplé en 1973 à la centrale de Leningrad.

 

Une des particularités de ces réacteurs est d'avoir un "coefficient de vide positif", c'est à dire que, si la proportion de vapeur s'accroît pour une raison ou une autre (crise d'ébullition locale ou globale par baisse de pression, cavitation des pompes, augmentation de température), la réactivité du cœur augmente. A forte puissance, ce phénomène est plus que compensé par le coefficient de température négatif du combustible, mais à basse puissance, le réacteur peut souffrir d'une réactivité instable.[10]

 

L'encadré ci-après résume ses principales caractéristiques techniques :

 

Le réacteur n°4 de Tchernobyl, d'une puissance nominale de 3200 MWth (1000 MWe), en service depuis décembre 1983 avec un excellent facteur de charge était formé d'un empilement de graphite (modérateur) de 12 m de diamètre et 8 m de hauteur (masse 8500t), traversé par 1660 tubes de force verticaux de 7 m de hauteur en zirconium allié à du niobium, d’épaisseur 4 mm, contenant le combustible (en tout 190 tonnes d'uranium enrichi à 2% sous forme d'oxyde) et 211 canaux pour barres de contrôle. Le combustible était refroidi par une circulation d'eau sous pression (liquide à 270° sous 82 bars à l'entrée des tubes de force, puis bouillante à 285°C sous 70 bars, avec un titre de vapeur de 14.5%) tandis que l'empilement était refroidi par un mélange d'azote et d'hélium. La vapeur produite faisait fonctionner deux turboalternateurs de 500 MWe.

 

1.2.        Le scenario de l'accident

Avant d'arrêter la tranche 4 de la centrale pour une période normale de maintenance, l'exploitant avait prévu d'effectuer dans l'après-midi du vendredi 25 avril, un essai déjà réalisé sur d'autres réacteurs RBMK, ayant pour but de vérifier qu'en cas de perte du réseau électrique extérieur, les systèmes de sauvegarde (pompes de circulation, barres de contrôle, alimentation des sectionnements, contrôle commande) pouvaient être alimentés par le turboalternateur en attendant leur reprise en secours par les diesels. Les essais réalisés précédemment avaient montré que le système de régulation de l'excitatrice devait être ajusté si l'on voulait maintenir une intensité acceptable le temps voulu pendant le ralentissement du groupe turboalternateur.

Plusieurs péripéties ont conduit à retarder cet essai. A la demande du répartiteur d'énergie de Kiev, la baisse programmée de puissance entamée le 25 avril à 1h06 du matin, a été interrompue à 14h, et le réacteur est resté alors à mi-puissance sur un seul turboalternateur durant neuf heures, ce qui a entraîné un empoisonnement Xénon du cœur, avec une distribution "à deux bosses" du flux axial des neutrons, très déprimée au centre[11], et très défavorable au plan de la stabilité cinétique. La réduction volontaire de puissance a repris à 23h10 jusqu'à ce que la valeur de 500 MWth soit atteinte le samedi 26 à 0h28. La puissance s'est ensuite effondrée (puissance neutronique nulle, puissance thermique 30 MW) lors du basculement, mal synchronisé par les opérateurs, du système automatique local de commande des barres au système global. Il en est résulté un empoisonnement Xénon accru. Or, pour réaliser l'essai, il fallait retrouver de la puissance et les opérateurs ont dû extraire presque toutes les barres de contrôle, ce qu’interdisaient les consignes.

A partir de ce moment (0h30) toute utilisation de l'arrêt d'urgence conduisait inéluctablement à l'endommagement du combustible, du fait de la mauvaise conception des barres de contrôle et sécurité : chacune d'elles était en effet munie d'un prolongateurs en graphite de 4.5 m de longueur suspendu à l'absorbant par une tige de 1.4 m qui, dès lors qu'elle était complètement extraite, repoussait en tombant une colonne d'eau de 1m de hauteur hors du cœur, augmentant ainsi la réactivité locale[12]. Parallèlement, les conditions thermodynamiques de l'eau ont été modifiées en mettant en service à 1h06 les huit pompes de circulation à fort débit en vue de refroidir le cœur pendant l'essai ; la marge de sous-refroidissement devenait très faible (3°C) et dès lors, toute augmentation de température ou toute diminution de débit entraînait l'ébullition en masse de l'eau située à l'entrée basse du réacteur, augmentant encore la réactivité.

A 1h23mn04s, les paramètres du réacteur étant stabilisés, l'essai prévu a été engagé par la fermeture de la vanne d'admission de la vapeur à la turbine ; le ralentissement du turboalternateur a entraîné celui de 4 des 8 pompes de circulation (les 4 autres étant reliées au réseau). L'accident a été déclenché à 1h23mn40s par l'opérateur quand il a appuyé sur le bouton d'arrêt d'urgence : l'insertion des barres, dont la chute était lente (20 secondes!) a entraîné une augmentation de la réactivité locale en partie basse du réacteur et l'énergie déposée dans une partie des combustibles a conduit à leur rupture brutale et à celle de quelques canaux. L'ébullition en masse de l'eau a ensuite engendré le passage du réacteur en situation de prompte criticité et la puissance a pu atteindre en quelques secondes cent fois la valeur nominale, soit 300 000 MWth !

La reconstitution précise des phénomènes physiques et chimico-physiques qui sont intervenus est très difficile : interaction de l'oxyde d'uranium avec l'eau, provoquant la rupture des tubes de force, déflagration de l'hydrogène produit lors de la décomposition de l'eau par les structures métalliques portées à très haute température, soulèvement de la dalle supérieure portant les mécanismes de barres etc.

 

Les exploitants perçurent deux explosions successives, la seconde plus forte que la première, qui firent se soulever de 14 m la dalle supérieure du cœur (450 t) et conduisirent à la destruction des superstructures du bâtiment. Du combustible, des composants du cœur et des structures furent projetés sur le toit des bâtiments adjacents et sur le sol, entraînant un relâchement massif de produits radioactifs dans l'environnement. Les débris du cœur déclenchèrent une trentaine d'incendies sur les toits avoisinants (hall des machines et ce qui restait du bâtiment réacteur) et par des passages de câble menacèrent le réacteur n°3.

 

  1.3.      Les diverses causes de l'accident

 

C'est en août 1986, à Vienne, dans le cadre d'une réunion spécialement organisée par l'Agence Internationale de l' Energie Atomique (AIEA) que le délégué soviétique, Valery Legassov donna les premières informations sur l'accident. Il incrimina essentiellement des erreurs graves d'exploitation :

-  le non-respect des conditions de fonctionnement prévues pour le jour précédent

-  le viol des consignes de sécurité et la mise hors service de certaines sécurités automatiques.

 

Il souligna (à tort) que l'accident ne serait pas advenu si une seule de ces multiples défaillances n'avait pas eu lieu. Le directeur de la centrale et l'ingénieur en chef présent en salle de commande furent jugés coupables et condamnés à des peines d'emprisonnement.

 

Mais, en 1991, le rapport d'une commission du Comité d'Etat chargé de la sûreté nucléaire de l'URSS (CECSIN), présidé par le Russe Steinberg reconnaît enfin les défauts de conception des RBMK :

- l'existence de plages d'instabilité à basse puissance,

-  les vices de conception des barres de contrôle : leur temps de chute excessif (20 s contre 2 s dans les Réacteurs à Eau Pressurisée du monde occidental) et la présence de prolongateurs pouvant augmenter la réactivité du cœur au début de leur chute lorsqu'elles sont en position haute.

 

Volkov, de l'Institut Kurchatov, réhabilitera les exploitants en écrivant notamment : "L'ampleur de l'accident n'a donc pas été déterminé par des actions du personnel, mais par l'ignorance, principalement de la part des cadres scientifiques, de l'effet du titre en vapeur sur la réactivité du cœur des RBMK. Cette ignorance a conduit à mal analyser la sûreté de fonctionnement, à négliger les apparitions répétées de l'important effet des vides sur la réactivité pendant l'exploitation, à accorder une confiance abusive à l'efficacité du système d'injection de secours qui, en fait, n'a pu faire face ni à l'accident de Tchernobyl, ni à de nombreuses autres situations, et à formuler  naturellement des procédures incorrectes.

 

Cette insuffisance du niveau scientifique s'explique surtout par les raisons suivantes :

- le très petit nombre des études de physique neutronique des réacteurs RBMK,

- le fait d'avoir négligé les écarts dans les résultats obtenus par différentes méthodes,

-  l'absence d'études expérimentales dans des conditions proches des conditions naturelles.

 

Pendant longtemps le Ministère de l'Energie de l'URSS a exploité les RBMK avec des instabilités neutroniques sans prêter attention aux signaux inhabituels et répétés des systèmes de sûreté liés au niveau de puissance.(.) et n'a pas exigé d'enquêtes approfondies sur les situations d'urgence.

Nous sommes forcés de conclure qu'un accident du genre de celui de Tchernobyl était inévitable."[13]

 

L'absence d'enceinte de confinement résistante (contrairement aux REP français) est aussi mise en avant dans les pays de l'OCDE. Mais aurait-on pu en concevoir une capable de résister à un tel accident, spécifique des RBMK ?.

 

Plus évidente est l'absence de culture de sûreté dans le "système soviétique" qui prévalait alors :

  -plusieurs incidents précurseurs étaient survenus, dont le premier sur le réacteur RBMK de Leningrad, mais ils étaient restés confidentiels et aucun enseignement n'en avait encore été tiré.

-cet essai risqué n'avait fait l'objet d'aucune analyse préalable de sûreté par une structure indépendante.

-l'exploitant n'était pas conscient des risques qu'il encourait du fait de l'instabilité potentielle du réacteur.

  -l'effet positif des barres de contrôle avait été mesuré en 1983 sur le RBMK d'Ignalina et lors des essais de démarrage de Tchernobyl 4, une modification de leur conception était envisagée par les équipes moscovites, mais les exploitants n'avaient pas été alertés.

 

  1.4.      Premières interventions

 

Divers groupes de pompiers se dévouèrent pour tenter de maîtriser les divers incendies déclenchés, dans un environnement enfumé hautement radioactif : 14 pompiers entrèrent en action quatre minutes après l'accident, et 250 deux heures et demie plus tard. Une heure après, à 4h50 du matin, la plupart des feux étaient éteints. C'est durant cette première séquence que des doses mortelles d'irradiation furent subies par des intervenants.

 

Malgré la considérable quantité d'eau apportée (qui produisit beaucoup de vapeur), le feu reprit 20 heures après l'explosion à partir des gaz formés par l'action de la vapeur sur le graphite (présent en grande quantité dans ce type de réacteur) et sur le zirconium des gaines (CO et H2) avec une flamme de 50 m de hauteur projetant des matières radioactives jusqu'à une altitude de 1 500m, ce qui facilitait sa lointaine migration.

 

Les premières mesures prises pour contrer la combustion du cœur, empêcher tout risque de criticité et diminuer les relâchements d'éléments radioactifs ont consisté à jeter par hélicoptère (1 800 vols) des matériaux absorbants les neutrons (produits contenant du bore) et des produits lourds (plomb, sable, argile) : 5 000 t de matériaux furent ainsi jetés, un peu au hasard du fait de la mauvaise visibilité et du très fort niveau d'irradiation interdisant une approche fine, en direction de la cavité ou sur les toits en flamme. Ce mauvais largage a peut-être contribué à la reprise du feu et des relâchements qui ne cessèrent, abruptement, que le 7 mai, probablement à la suite de l'injection d'azote liquide dans les parties basses du réacteur. Les produits de fission et le combustible se transformèrent en composés stables chimiquement (on peut alors parler de "corium", ou de "lave"). Leur distribution entre les soubassements et les parties hautes du réacteur n'est que grossièrement connue (Figure 1) : Coupe du bâtiment réacteur endommagé). Ces versements de matériaux furent d'autant plus interrompus que, sous leur charge, on craignait l'effondrement des structures. Un tunnel creusé durant quinze jours à partir de la tranche 3 menacée par le sinistre a permis également d'installer une dalle de béton capable de protéger les eaux souterraines des matières radioactives fondues.

 

  1.5.      Les mesures d'assainissement radioactif

 

Diverses mesures ont été prises en urgence pour protéger les nappes phréatiques et réduire les risques de contamination du Dniepr et du lac alimentant en eau la ville de Kiev.

 

Devant l'ampleur de la tâche et la nécessité de limiter autant que possible les doses individuelles, l'Etat soviétique a fait appel à un très grand nombre de personnels, militaires (240 000 environ) ou civils (certains ayant l'expérience de travaux sous rayonnement), en provenance de toute l'URSS et travaillant à tour de rôle. Toute personne ayant œuvré sur le site pour cet objectif (de 1986 à 1990) recevra plus tard un certificat attestant son statut de "liquidateur", donnant droit à certains avantages. Leur nombre total déclaré est d'environ 600 000. Les liquidateurs furent chargés de travaux de décontamination du site et des routes, de l'entreposage de déchets, de la construction de barrages, de la réalisation de nouveaux logements pour le personnel d'exploitation (les trois autres tranches restant en fonctionnement) dont les familles furent relogées à 50 km de là, dans la ville nouvelle de Slavutich. Mais leur principale tâche fut la construction du sarcophage.

 

Cet édifice de 300 000 t, construit de mai à novembre 1986 autour du réacteur accidenté, avait pour but :

  -           d'empêcher que la radioactivité présente dans les "laves" et les structures restantes du réacteur ne se disperse dans l'environnement,

  -           de limiter l'entrée d'eau de pluie susceptible de contaminer le sol,

  -           de permettre de poursuivre l'exploitation du réacteur n° 3, mitoyen du réacteur accidenté, qui partageait des installations communes comme le hall des turbines et le bâtiment des auxiliaires.

 

Le sarcophage a été constitué de poutres et de grandes plaques métalliques qui, du fait des débits de dose très élevés, n'ont pu être posées qu'à l'aide de grues, sans possibilité d'assurer de manière précise leur jointure et leur fixation. La surface cumulée des ouvertures était de l'ordre de 1000m2 (ce qui permettait d’ailleurs un refroidissement des structures par circulation d'air). Ces espaces ont pu être réduits de moitié à la suite des travaux de 1995-1997.

 

  1.6.      L'assistance technique et financiere internationale

 

  1.6.1.   Aspects politiques et financiers[14]

Les événements politiques intervenus dans les années qui ont suivi l'accident ont incité les pays occidentaux à proposer leur aide technique et financière pour diminuer les risques de nouvelles contaminations, d'autant plus que les liens entre Moscou et Kiev se distendaient. Le protocole d'accord signé le 20/12/1995 par l'Ukraine, les pays du G7 et la Commission Européenne a inscrit la fermeture de Tchernobyl dans le contexte de la réforme du secteur énergétique ukrainien. Il repose sur un engagement mutuel : l'Ukraine ferme Tchernobyl fin 2000 et les Occidentaux apportent leur aide pour définir et financer les besoins électriques du pays, pour renforcer la sûreté nucléaire et pour répondre aux problèmes sociaux posés par la fermeture de la centrale qui emploie près de 6 000 personnes.

 

L'application de ces principes conduisait alors à une évaluation financière de $ 2.3 milliards, dont 1,8 au titre de prêts de la Banque Mondiale et de la BERD, et 0.5 au titre de dons du G7 et de l'Union Européenne. Aujourd'hui 1,4 milliards ont été investis dont 1,05 en dons (60% proviennent des pays de l'Union Européenne et de la Commission Européenne) : ils ont principalement servi à des travaux sur la tranche 3 lorsqu'elle était encore en fonctionnement, à ceux nécessités par sa mise à l'arrêt, effectivement réalisée le 15/12/2000 (avec la construction d'une installation de conditionnement/ entreposage des combustibles usés, d'ateliers de traitement des déchets d'exploitation liquides et solides), enfin au projet SIP de renforcement du sarcophage (voir 1.6.2). Riskaudit, filiale de l’IRSN et de son homologue allemand GRS, associé à ANPA (Italie) et AVN (Belgique) apporte son soutien technique à l’autorité de sûreté ukrainienne SCNRU.

 

D'autres projets seront lancés pour accroître l'efficacité de la gestion du marché de l'électricité, moderniser le parc thermique classique et achever la construction des deux réacteurs VVER 1000 de Rovno 4 et Khmelnitsky 2 selon des normes acceptables par la communauté internationale.

 

La Commission Européenne a proposé notamment[15] de poursuivre son aide dans le cadre de son programme TACIS[16] , d'amélioration de la sûreté en exploitation, de renforcement des organismes de sûreté, de recherche d'autres sources d'énergie à long terme et de définition des projets concernant le sarcophage (une nouvelle somme de €100 millions serait allouée à l'étude et réalisation de ces projets).

 

Par ailleurs, en avril 1996, les ministres français et allemand de l'environnement ont annoncé une initiative de collaboration avec l'Ukraine, le Belarus et la Russie sur trois sujets : sûreté du sarcophage, impact de l'accident sur l'environnement, santé des populations. En juillet 1997, la France, l'Allemagne et l'Ukraine ont formalisé cette initiative par la signature d'un accord entre l'IPSN, son homologue allemand GRS et le Centre de Tchernobyl créé en 1996. Cette initiative est financée par les deux gouvernements et les électriciens EDF et VdEW (budget de 6 millions d'euros). La référence (5) détaille son programme d'actions.

 

1.6.2.                 Le projet SIP (Shelter Implementation Plan)

On estime aujourd'hui que le sarcophage contient 5 000 m3 d'eau de pluie dans ses soubassements. La précarité de la construction a conduit à évaluer l'impact potentiel d'un effondrement de la toiture. C'est ainsi qu'à son voisinage, et par vent faible (hypothèse pessimiste), les doses dues à l'inhalation pendant le passage du panache radioactif qui en résulterait pourraient être importantes pour les travailleurs du site. Au-delà de 10 km, la dose deviendrait inférieure à la dose maximum admise pour les travailleurs (50 mSv) et, à l'extérieur de la zone d'exclusion de 30 km, l'inhalation ne constituerait plus un risque significatif pour le public.

 

Outre l'effondrement du sarcophage, deux autres risques ont été identifiés :

  -           un risque de criticité entre le combustible solidifié et l'eau (événement jugé très improbable),

  -           un risque de remise en suspension dans l'atmosphère d'aérosols radioactifs provenant de la décomposition superficielle des laves. Pour l'empêcher, une solution permettant de fixer les poussières est pulvérisée périodiquement.

 

Le projet SIP, d'une durée de huit ans, lancé en 1998 par un groupe d'experts du G7, est financé par les pays occidentaux à hauteur de $760 millions dont 50 à la charge de l'Ukraine. Il a pour but de stabiliser le sarcophage et mettre en place des mesures de protection des travailleurs et de l'environnement. La réalisation de ce projet est assurée par une entité dépendant de la centrale de Tchernobyl, assistée d'une structure de projet rassemblant les sociétés américaines Bechtel et Battelle ainsi qu'EDF, structure qui doit définir le programme des tâches élémentaires permettant d'atteindre les objectifs du projet SIP et de solliciter les autorisations de l'autorité de sûreté ukrainienne. La première étape (état des lieux) d'une durée de deux ans est achevée. Les sociétés françaises Technicatome et SGN sont chacune leader d'un groupe d'entreprises chargées de diverses tâches (sûreté, radioprotection, assainissement, etc..).

 

De plus, un travail de compilation et de synthèse très important a été engagé dans le cadre de "l'initiative franco-allemande pour Tchernobyl" en collaboration avec des organismes russes et ukrainiens, afin d'élaborer une base de données sur l'état et la sûreté du sarcophage qui permettra d'améliorer l'estimation des risques radiologiques à l'intérieur et aux abords du bâtiment et de valider les mesures de protection actuelles.      

 

  1.7.      Les enseignements tirés de l'accident

 

En URSS (Russie, Ukraine, Lituanie), des modifications ont été apportées aux autres réacteurs RBMK en fonctionnement (13 en tout au 1/01/2001) : elles ont porté sur les caractéristiques du combustible (enrichissement plus élevé pour diminuer "l'effet de vide"), sur le dessin des barres de contrôle et sur la protection de la dalle supérieure contre les accidents de surpression. Une meilleure organisation de la sûreté, lentement mise en place, et la prise de conscience des risques concourent en outre à un meilleur niveau global de sûreté, sans que soit atteint cependant le standard occidental. Ailleurs, on comprit assez vite que cet accident n'était pas seulement "soviétique" et que les pays de l'OCDE pouvaient aussi en tirer des enseignements utiles. Citons quelques conséquences directes ou indirectes :

 

Sur la conception des réacteurs en  France :

- une recherche exhaustive de toutes les possibilités de réalisation d'un accident de réactivité dans tous les réacteurs fut engagée, permettant d'identifier dans les REP une séquence potentiellement dangereuse, réacteur à l'arrêt (des contre-mesures ont été prises),

 

- une originalité des REP français consiste en l'installation de "filtres à sable" permettant, en cas d'accident conduisant à une surpression excessive de l'enceinte, de relâcher progressivement une partie des gaz qui y seraient contenus en retenant 99% des iodes et césiums. Ce système, conçu à la suite de l'accident de TMI (mais qui suppose l'intégrité de l'enceinte), trouve là une nouvelle justification.

 

- pour la prochaine génération de REP (projet franco-allemand EPR, projets américains), on prévoit des dispositions nouvelles destinées à assurer le refroidissement d'un cœur fondu et à garantir l'intégrité à long terme de l'enceinte de confinement.

 

Sur l'exploitation des réacteurs et les conditions de leur autorisation :

- on prit partout conscience qu'un accident n'importe où dans le monde pouvait avoir des répercussions désastreuses pour les programmes en cours ou à venir. La nécessaire solidarité entre les exploitants s'est concrétisée par la création, en mai 1989 et à leur initiative, d'une association internationale : WANO (World Association of Nuclear Operators). Toutes les sociétés concernées en font partie, mettant en commun leur expérience. On lui doit l'installation un peu partout de simulateurs et le développement général de la culture de sûreté,

 

- l'association WENRA (Western Europe Nuclear Regulators Association) des autorités de sûreté de nombreux pays d'Europe occidentale, créée en début 1999 a instauré un dialogue permanent avec les autorités de sûreté des pays de l'Est.

 

Sur la communication :

-  en France, le Conseil Supérieur de la Sécurité Nucléaire a été transformé en Conseil Supérieur de la Sécurité et de l'Information Nucléaire (CSSIN) accueillant des spécialistes de la communication pour accroître la qualité de l'information et la transparence. Sur la suggestion de l'un de ses membres[17], son vice-président, le journaliste Pierre Desgraupes, a décidé la création d'une échelle de gravité nationale des événements significatifs pour la sûreté, permettant aux médias de mieux percevoir l'ampleur des risques associés. Cette échelle, légèrement modifiée, a été adoptée internationalement (échelle INES). Elle comporte sept degrés, Tchernobyl se plaçant au niveau 7. A partir du niveau 1 (simple anomalie d'exploitation) tout incident fait l'objet d'une information internationale,

 

-  des accords de notification rapide, d'un pays à un autre, d'un accident nucléaire, et d'assistance en cas de situation d'urgence radiologique ont trouvé leur expression dans des conventions internationales conclues dans le cadre de l'AIEA et de l'Union Européenne.

 

Sur l'intervention en cas d'accident :

-  il a été décidé de distribuer aux populations vivant à proximité d'une centrale française des pastilles d'iode à absorber en cas d'accident grave pour prévenir l'apparition de cancers de la thyroïde,

 

-  un intérêt accru a été porté aux plans d'urgence interne (PUI), aux plans particuliers d'intervention (PPI) et à leur validation par des exercices.

 

Sur les normes de radioprotection :

-  sous l'égide de l'OMS et de la FAO un accord international sur le niveau de contamination des denrées alimentaires entrant dans le commerce international a été conclu,

 

- la Commission Internationale de Protection Radiologique a précisé ses recommandations relatives aux interventions en cas d'accident en mettant l'accent sur la justification et l'optimisation des interventions.

 

Sur la sûreté :

-  dès le mois d'août 1986 l'AIEA a saisi le "Groupe consultatif international pour la sûreté nucléaire" (INSAG) pour analyser l'accident et en tirer des enseignements. Le premier rapport de ce groupe (INSAG 1) a été mis à jour en 1996 (INSAG 7),

 

- par la suite l'INSAG s'est attaché à formuler et à préciser une doctrine commune au plan international en matière de sûreté, en particulier à travers les documents suivants :

   INSAG 3 "Principes fondamentaux de sûreté pour les centrales nucléaires" (1990)

   INSAG 4 "Culture de sûreté" (1991)

   INSAG 5 "Sûreté de l'énergie d'origine nucléaire" (1993)

   INSAG 10 "La défense en profondeur" (1997)

 

Sur les programmes de recherches :

- recherches sur le devenir des radionucléides déposés dans l'environnement,

- intérêt accru pour l'étude des accidents graves avec fusion du cœur.


 

              2.1.      Les rejets d'éléments radioactifs

 

Le relâchement dans l'environnement d'éléments radioactifs a été considérable, de l'ordre de 230 millions de Curies (environ 8.7 1018 Bq, donc près de neuf milliards de milliards de becquerels).

 

Trois grandes catégories de rejets doivent être distinguées :

- les gaz rares (Xe, Kr), (6.5 1018 Bq), relâchés à 100%, mais qui ne se combinant pas chimiquement se diluent dans l'atmosphère et ne peuvent provoquer qu'une irradiation externe assez faible,

-  les produits de fission volatils (I, Cs, Te…) relâchés en proportions importantes (30 à 50%), susceptibles de migrer assez loin au gré des vents, de se combiner chimiquement et d'entrer dans les chaînes alimentaires,

-  les produits de fission solides et les actinides, relâchés en beaucoup plus faible proportion (3%), qui ont surtout affecté l'environnement proche du réacteur.

 

Les tableaux 1 et 2 précisent les périodes radioactives et les quantités approximatives émises du 26/4 au 6/5, des principaux radioéléments intéressants ainsi que ce qu'elles représentent par rapport au stock existant au moment de l'accident.


Tableau 1 : Principaux radioéléments émis

 

Elément

période

activité

(PBq)*

% relâchés

Krypton-85

10.7 a

33

100

Xénon-133

5.2 j

6500

100

Iode-131

8.04 j

1760

50

Iode-133

20.8  h

2500

50

Césium-134

2.06 a

54

30

Césium-137

30.0 a

85

30

Tellure 132

3.0  j

150

30

Strontium 89

50.5  j

115

3

Strontium 90

29.1 a

10

3

Ru-103

39  j

3770

3

Ru-106

368  j

73

3

Pu-239

24 000 a

0.03

3

·                  1 peta Bq = 1015 Bq =27 000 Ci

 

Tableau 2 : Estimation journalière du rejet d'Iode-131

 

Date de rejet

% du total rejeté

Rejets/jour

(PBq)

26 Avril

40,0

704

27 Avril

11,6

204

28 Avril

8,5

150

29 Avril

5,8

102

30 Avril

3,9

69

1er Mai

3,5

62

2 Mai

5,8

102

 

 

La comparaison globale de ces rejets avec ceux dus à d'autres grandes pollutions radioactives est délicate, car les proportions d'isotopes, les lieux et durées d'émission diffèrent : par rapport à Windscale, Tchernobyl a rejeté 1 500 fois plus de I-131, 21 000 fois plus de Cs-137, 50 000 fois plus de Sr-90. En revanche, l'ensemble des essais nucléaires aériens auraient émis 3 à 400 fois plus de I-131 (mais c'est dans la stratosphère qu'a eu lieu essentiellement sa décroissance radioactive), 12 fois plus de Cs-137, 60 fois plus de Sr-90. Les deux grands complexes militaro-industriels de Hanford (USA) et Mayak (URSS) ont émis eux aussi des quantités de radioactivité beaucoup plus importantes (80 fois ?), mais étalées sur plusieurs dizaines d'années. On conçoit que les conséquences sanitaires n'aient pu être extra ou interpolées de manière fiable.

 

Tchernofig2-3

2.2.        Les contaminations

 

Les variations du vent et de la pluviosité ont entraîné une dispersion de la contamination dans toutes les directions, mais surtout vers le nord (rejets du 26), l'ouest (le 27) puis l'est (le 28). Les figures 2 et 3, montrent la dispersion schématique des panaches radioactifs émis les 26 et 27.

 

La figure 4 donne un aperçu de la répartition de la contamination en I-131 au Belarus, et en Russie (les données concernant l'Ukraine manquent). Trois zones ont été surtout affectées :

  -           une zone centrale (Ukraine et Belarus) autour du réacteur et de la ville voisine de Pripiat où résidaient les familles des exploitants (50 000 personnes),

-  une autre (Belarus et Russie) près de la ville de Gomel,

- une dernière en Russie autour de la ville d'Orel, à 500 km de là.


Tchernofig4

Les figures 5 et 6 illustrent les contaminations en strontium et plutonium, concentrées dans la zone centrale (d'autant plus que l'élément est lourd).

Tchernofig5

Tchernofig6

Une zone dite d'exclusion, de 30 km de rayon autour du réacteur, a été décidée. Les dépôts ont pu y excéder 1 500 kBq/m2 et atteindre même 3 700 kBq/m² (100Ci/km²). C'est là que se trouve la "forêt rousse". Tout l'hémisphère nord a été affecté, mais l'UNSCEAR ne définit comme "contaminées" que les zones dont l'activité en césium-137 dépasse 1 Ci/km2 (37 kBq/m2), valeur qui conduit à un supplément d'irradiation annuelle d'environ 1 mSv.(cette contamination ira en diminuant dans les années à venir).

Tchernofig7

Tchernofig7b

La figure 8 et les tableaux suivants (3 et 4), extraits du rapport de l'UNSCEAR illustrent l'étendue (en km²) et l'intensité (en Ci = 3.7 1010 Bq) des contaminations dans l'ensemble de l' Europe.

 

Tchernofig8
Tableau 3 : Etendue des surfaces (en km2) contaminées dans l' ex-URSS (selon leur niveau de contamination)

 

Pays

1 à 5 Ci/km²

5 à 15 Ci/km²

15 à 40 Ci/km²

>40 Ci/km²

Russie

49 800

5 700

2 100

300

Belarus

29 900

10 000

4 200

2 200

Ukraine

37 200

3 200

900

600

(URSS)

116 900

18 900

7 200

3 100

                                                                 

Tableau 4 : Etendue des surfaces (en km2) contaminées (1 à 5 Ci/km2) dans divers autres pays :

 

Suède

A noter que la France ne figure pas dans ce tableau, seules quelques zones de superficie très limitée ayant atteint des contaminations de 60 kBq/m2 (soit 1,7 Ci/km2). Mais d'autres pays plus contaminés ne figurent pas non plus : Pologne, Allemagne..

 

 
12 000

Finlande

15 000

Autriche

8 600

Norvège

5 200

Bulgarie

4 800

Suisse

1 300

Grèce

1 200

Slovénie

300

Italie

300

 

  2.3.      Les mouvements de population

 

Au soir du 26 avril, le niveau d'irradiation à Pripiat, où vivaient les familles des exploitants, n'était pas encore connu ni donc considéré alarmant (il était cependant de l'ordre de 10 mSv/h) Aucune consigne particulière, de confinement par exemple, n'était encore donnée. Les autorités ne prirent conscience de la gravité de la situation que vers 22 h, après l'arrivée d'une délégation venant de Moscou. La décision d'évacuer fut alors prise et durant la nuit des mesures furent adoptées pour disposer le lendemain de 1 200 cars.

 

Le 27 avril à midi, la population fut avertie par radio et l'évacuation prit effet de 14 à 17h. 40 000 personnes furent ainsi dirigées vers un district ukrainien situé à une cinquantaine de kilomètres plus à l'ouest. Elles y resteront jusqu'en août avant d'être relogées à Kiev.

 

D'autres populations furent évacuées, mais plus tardivement comme le montre le tableau suivant :

                                  Tableau 5 : Evacuation des populations

 

Pays

Zone

Date

Nombre d'évacués

Ukraine

Pripiat

15 villages < 10km

Tchernobyl

43 villages < 30 km

8 villages > 30 km

5 villages > 30 km

27 avril

3 mai

5 mai

3 au 7 mai

14 au 31 mai

juin à sept.

~ 50 000

~ 10 000

~ 13 600

~ 14 500

~ 2 500

~ 1 000

Belarus

51 villages<30 km

28 villages > 30 km

29 villages > 30 km

2 au 7 mai

3 au 10 juin

août sept.

~ 11 400

 ~ 6 000

~ 7 300

Féd. de Russie

4 villages

août

186

Ensemble de l'URSS

187 localités

~116 000

 

Au total 116 000 personnes furent évacuées (auxquelles s'ajoutent 60 000 têtes de bétail). Malgré le statut de "zone interdite", quelques personnes retourneront chez elles après la construction du sarcophage. Il s'agit essentiellement de personnes âgées dont le nombre ne dépasse pas le millier.

 

Par ailleurs, durant l'été 1986, des "relogements" sont intervenus en dehors de la zone d'exclusion de 30 km précitée (~2 800 km2) dans les zones les plus contaminées (d'une superficie de 1 500 km2), touchant 220 000 personnes; ces mouvements sont moins bien documentés.

 

  2.4.      Les doses reçues par la population évacuée

 

Dans la zone proche du réacteur, les doses sont essentiellement dues au passage du panache pour les doses à la thyroïde (inhalation d'iode 131 et d'autres iodes à vie courte), et au dépôt dans l'environnement pour ce qui concerne l'irradiation externe.

 

  2.4.1.   Doses par exposition externe

Les doses reçues ont été estimées à partir des doses mesurées en divers endroits et des emplois du temps des personnes. L'irradiation directe due au panache a joué un rôle mineur par rapport à l'irradiation due aux dépôts. Une évacuation plus rapide aurait donc diminué beaucoup les doses. Pour la population ukrainienne, la dose efficace moyenne par irradiation externe est estimée à 17 mSv, les valeurs extrêmes allant de 0.1 à 380. Au Belarus, la dose moyenne est estimée à 31 mSv et 4% de la population concernée a reçu plus de 100 mSv (les habitants de deux villages ont reçu 300 mSv).

 

  2.4.2.   Doses par exposition interne

Aux doses précédentes doivent être ajoutées les doses à la thyroïde dues à la fixation de radio isotopes d'iode et de tellure ainsi que l'irradiation due au césium fixé par l'organisme (mais qui s'élimine avec une période de 2 à 3 mois). L'inhalation en est responsable pour 75%, le reste provenant de l'absorption de produits lactés.

 

Le tableau ci-dessous (table 22 du rapport de l'UNSCEAR) donne une estimation de la dose moyenne à la thyroïde reçue par les habitants  des villages évacués du Belarus selon leur âge. On constate que les doses sont d'autant plus fortes que l'enfant est jeune.

Les trois quarts des habitants de Pripiat avaient reçu des tablettes d'iode les 26 et 27 avril, ainsi que les deux tiers des enfants des zones rurales, mais leur prise fut différée de plusieurs jours (le 30 avril au mieux, le 4 mai au pire), alors que celle-ci doit intervenir dans les heures qui suivent pour être pleinement efficace.

Sur l'ensemble des populations évacuées la dose moyenne à la thyroïde est estimée à 0,47 Gy.

 

Age

(années)

Dose (Gy)

< 1

4,3

1 à 3

3,7

4 à 7

2,1

8 à 11

1,4

12 à 15

1,1

> 17

0,68

Tableau 6 : Dose moyenne à la thyroïde

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

2.5.        Les contaminations et les doses dans les zones non evacuees

 

Dans l'ensemble des territoires de l'ex-URSS les essais nucléaires aériens sont encore responsables d'une contamination de l'ordre de 0.05 à 0.1 Ci/km2 (2 à 4 kBq/m2). L'activité résiduelle du césium-137 due à l'accident de Tchernobyl se situe nettement au-dessus de ce "bruit de fond" et plusieurs niveaux délimités par des seuils ont été définis :

 

-au-dessous de 37 kBq/m2 (1 Ci/km2), les territoires sont réputés "non contaminés".

-au-dessus (3% de la superficie de la partie européenne de l'ex-URSS), on a distingué :

              – un seuil de 555 kBq/m2 (15 Ci/km2) au-dessus duquel le territoire est dit "sous contrôle strict",

              – une valeur intermédiaire de 185 kBq/m2 (5 Ci/km2) qui délimite les zones à basse et moyenne contamination.

 

Les doses reçues ont été évaluées en distinguant la première année, où les iodes et autres éléments à périodes courtes ont joué un grand rôle, et les années suivantes où l'effet principal provient des dépôts de Cs-134 et Cs-137, soit par irradiation externe soit par ingestion de produits contaminés (s'y ajoute aussi du strontium-90), d'une durée de vie dans l'organisme (période biologique) d'environ 3 mois (ce chiffre dépend en réalité de l'âge, du sexe et du poids).

 

Le tableau 7 ci-dessous indique la distribution de la population dans les trois zones plus ou moins contaminées des trois républiques (plus de 5 millions de personnes sont concernées, mais les 80 000 ayant quitté les zones contaminées en 1986 et 1987 ne figurent pas dans ces statistiques).

 

Tableau 7 : Nombre d'habitants concernés par la contamination

Contamination

Belarus

Russie

Ukraine

Total

1 à 5 Ci/km²

1 543 514

1 634 175

1 188 600

4 366 289

5 à 15   "

239 505

233 626

106 700

579 831

> 15      "

97 595

95474

300

193 369

Total

1 880 614

1 963 275

1 295 600

5 139 489

 

La distribution des doses est très hétérogène comme le montre le tableau ci-après qui indique le nombre de personnes ayant reçu les doses individuelles les plus élevées (60% de la population a reçu moins de 10 mSv).

Tableau 8 : répartition des doses élevées dans la population

 

Doses (mSv)

Belarus

Russie

Ukraine

Total

50 à 100

25 065

14 580

18 200

57 845

100 à 200

5105

2 979

7 700

15 784

>200

790

333

400

1 523

Total

30 960

17 892

26 300

75 152

 

  2.6.      SITUATION ACTUELLE [18]

 

Le niveau de contamination résiduel en Cs-137 (que l'on peut traduire en niveau d'irradiation supplémentaire s'ajoutant à l'irradiation naturelle selon la relation approximative 1 Ci/km2 1 mSv/an) définit le statut de différentes zones dans les trois pays :

– au-delà de 40 mSv/an : zones évacuées dès les premiers jours et "interdits"

– de 15 à 40 mSv/an : "zones de relogement obligatoire" dans lesquelles l'habitation et les productions agricoles ou industrielles sont interdites.

 

Ces deux premières zones ont une superficie totale de 4 300 km2 (2 800 dans la zone des 30 km, et 1 500 à l'extérieur.

– de 5 à 15 mSv/an : "zones de relogement volontaire" où les activités agricoles et industrielle existantes ne peuvent être étendues

– de 1 à 5 mSv/an : zones de contrôle radiologique où seules les activités pouvant affecter la santé de la population ou la qualité de l'environnement sont interdites, ainsi que les établissement de soins.

 

Le niveau général de la contamination a varié très lentement, par migration dans le sol, ruissellement, décroissance radioactive (30% en 15 ans pour le césium et le strontium). On retrouve le césium dans les quinze premiers centimètres du sol, le plutonium dans les cinq premiers. Le strontium, plus mobile, a davantage migré et on peut le retrouver à plusieurs mètres de profondeur. La réimplantation future de la population et des activités dépendra donc autant d'une éventuelle réévaluation favorable des risques liés aux "faibles doses" et "débits de dose" qu'à la décroissance radioactive.

Divers travaux de décontamination ont été entrepris dans les 10 km entourant la centrale, avec enfouissement des déchets radioactifs. Sur certaines parcelles, le sol contaminé a été retiré ou recouvert de terre non contaminée. D'autres contre-mesures ont été prises pour réduire le transfert du césium et des métaux lourds. Le facteur de transfert du césium à la plante peut en effet varier de 1 à 20 selon la composition, la teneur organique, l’acidité et l’humidité du sol.

Si le césium qui cause à lui seul 90% de l'irradiation reste bien présent dans le sol, par contre il s'y fixe davantage et sa présence diminue très sensiblement dans les productions agricoles, d'un facteur 2 tous les 3 à 4 ans. La figure 9 suivante indique la contamination moyenne mensuelle du lait par le Cs-137 produit dans une ferme collective ukrainienne s'étendant sur une surface de 3 500 ha contaminés en moyenne à 111 kBq/m2. Les normes adoptées en 1991 et 1997 sont indiquées sur la figure.

 

La plus grande partie des productions agricoles d'Ukraine satisfait aux normes suivantes :

– lait < 100 Bq/l (370 admis jusqu'en 1991)

– viande < 200 Bq/l

– pommes de terre, pain <20 Bq/kg

 

Il faut signaler les efforts de réhabilitation des conditions de vie dans ces territoires réalisés dans le cadre du programme européen ETHOS (1996-2001) cf référence 7.


 

 

  3.1.      Les conséquences sanitaires dans les Républiques de l'ex-URSS[19]

 

Dans les Républiques de l'ancienne URSS, qui se séparèrent en 1991, plusieurs populations doivent être distinguées :

  -           les professionnels directement impliqués le jour même de l'accident, tous Uukrainiens, où l'on trouve les seules victimes d'effets "déterministes",

  -           les divers personnels intervenus dans les phases ultérieures de gestion de la crise, ou dans les phases d'assainissement du site, de 1986 à 1990 en provenance de toute l' URSS, (les "liquidateurs"),

   -          les populations civiles évacuées ou déplacées (Ukraine, Belarus, Fédération de Russie),

  -           les populations de ces mêmes Républiques restées sur place dans un environnement contaminé.

 

On trouvera en annexe un rappel succinct des effets des rayonnements sur la santé humaine, et des diverses unités employées.

 

  3.2.      Les effets "déterministes"

 

Au matin du 26 avril, de 500 à 600 personnes étaient présentes sur le site : personnel d'exploitation, pompiers, équipes d'intervention médicale. Les dosimètres individuels disponibles étant saturés à 20 mSv, les doses d'irradiation (qui dépassèrent le Sievert) ne purent être estimées qu'ultérieurement par analyse des aberrations chromosomiques constatées. Les pompiers, qui furent les plus exposés, ne disposaient d'aucun dosimètre. Ils subirent, outre une irradiation b de l'ensemble du corps, une intense irradiation g de leur peau (brûlures) qui aggrava leur état.

 -            3 personnes décédèrent le premier jour de traumatismes divers (dont une crise cardiaque) sans rapport avec le niveau de radioactivité.

 -            237 manifestèrent à des degrés divers des malaises liés au haut niveau d'irradiation subi.

 -            134 d'entre elles furent hospitalisées après des tests cliniques. Des greffes de moelle furent réalisées, essentiellement à Moscou, sept à dix jours plus tard. De cette cohorte toujours suivie :

 -            28 décédèrent dans les quatre mois suivants. Le tableau suivant indique les doses reçues :

 

Dose (Gy)

Nombre de patients

Nombre de morts

0.8-2.1

41

0

2.2-4.1

50

1

4.2-6.4

22

7

6.5 -16

21

20

Total

134

28

 

 -            9 survivants ayant reçu des doses comprises entre 1,3 et 5,2 Gy décédèrent entre 1986 et 1995.

 -            2 nouveaux décès (cirrhose et leucémie aiguë) sont survenus en 1998 dans cette cohorte, selon l'UNSCEAR.

 

  Sur ces 11 personnes, trois ont développé des tumeurs clairement attribuables à l'irradiation. Pour les autres, les maladies sont sans relation évidente avec elle. Aucun cancer de la peau ne fut observé malgré l'importance des brûlures radiologiques.

 

              Le bilan total serait donc pour cette cohorte de 134 personnes de 39 décès dont 31 par effet d'irradiation à caractère déterministe. Des survivants de cette cohorte souffrent encore de cataractes, d'ulcérations. Des dysfonctionnements sexuels ont été observés parmi eux; cependant, ils engendrèrent 14 enfants, tous normaux, dans les cinq ans suivant l'accident.


 

  3.3.      Les effets aleatoires (ou "stochastiques")

 

  3.3.1.   Méthodologie

La ou les diverses cohortes d'intervenants (les "liquidateurs"), et les diverses populations civiles concernées, peuvent être victimes d'effets stochastiques, c’est à dire de cancers apparaissant au hasard. L'estimation du nombre de cancers radio-induits attribuables à l'accident ne peut qu'être déduite d'études statistiques comparatives prenant en compte la situation sanitaire antérieure sur les lieux mêmes considérés et les niveaux d'irradiation des personnes concernées. Or, faute d'avoir distribué des dosimètres individuels, les doses sont très mal connues. Leur reconstitution a été toutefois tentée pour diverses cohortes. Les statistiques relatives aux cancers semblent,  avoir été réalisées depuis longtemps (1966) selon les méthodes des pays occidentaux.

 

Dès l'accident, en mai 1986, les experts soviétiques recommandèrent la création de registres spéciaux, pour délivrer les soins, suivre les diverses catégories de population et fournir une base de données statistiques à long terme. Ce fut le centre de recherche médicale d'Obninsk qui fut chargé l'année suivante de la gestion d'un fichier au niveau de l'Etat soviétique. En 1991, lors de la dissolution de l'URSS, le fichier avait accumulé des données sur plus de 650 000 personnes, dont 43% (280 000) de personnels d'intervention, 11% (72 000) de personnes civiles évacuées, 45% (300 000) de personnes vivant dans les territoires contaminés, et 1% d'enfants nés après l'accident.

 

Par la suite, les registres furent gérés séparément par chacun des trois Etats concernés et ont évolué indépendamment. Il faut noter que les éditions successives montrent un nombre toujours croissant de personnes enregistrées : au Belarus, le registre initial contenait des informations sur 193 000 personnes dont 21 100 personnels d'intervention. Au début de 1995 ces derniers personnels sont passés à 63 000. D'autres registres sont également en augmentation, ce qui permet d'espérer que la grande majorité des  personnels concernés seront suivis. Des examens médicaux obligatoires sont conduits dans l'hôpital désigné selon le lieu de résidence et l'information mise en forme est centralisée. Dans le cas où une affection grave est suspectée, le patient est dirigé vers une institution spécialisée.

 

C'est l'Institut de Biophysique de Moscou qui tient toujours le registre des travailleurs professionnels (22 150 personnes enregistrées au départ, 18 430 suivies fin 1999) tandis que le registre des liquidateurs militaires est tenu à Saint-Petersbourg. Il contient des données sur les lieux et les durées d'intervention, d'où sont estimées les doses, en l'absence de mesures dosimétriques directes. Diverses cohortes ont été particulièrement suivies : celle des pilotes et équipages d'hélicoptères (1250 personnes dont certaines ont reçu une dose supérieure à 250 mGy), et celle des liquidateurs estoniens.

 

Les études statistiques sont très délicates car il convient de prendre en compte l'effet même du dépistage systématique qui majore le nombre de cas recherchés. La connaissance, même approximative, des niveaux d'irradiation des personnes examinées, cause supposée des cancers, permet d'évaluer l'importance de cet effet.

 

3.3.2.          Les cancers de la thyroïde

Zone de Texte: NOMBRE DE CANCERS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le diagnostic fait en 1990 de trois cancers de la thyroïde chez de jeunes enfants fut une surprise car on s'attendait à un temps de latence d'une dizaine d'années. Très peu de cancers de ce type (moins de 5 par an) avaient été enregistrés depuis huit ans chez d'aussi jeunes enfants du Bélarus. Le phénomène prit dans les années suivantes l'allure d'une épidémie inattendue de carcinomes papillaires relativement agressifs (7 en 1989 et 30 en 1990). La figure 10 recense le nombre de cas nouveaux constatés chaque année dans les trois républiques chez des enfants ayant eu moins de quatorze ans au moment de l'accident. On attribue généralement cette maladie à l'action d'éléments à vie courte et notamment à l'ingestion d'iode radioactif, d'autant que la population, qui vivait dans un environnement pauvre en iode, y était plus sensible. Il subsiste cependant des zones d'ombre comme la part réellement imputable à l'iode 131 : d'autres isotopes d'iode à vie plus courte pourraient avoir eu une grande importance[20] et affecter les populations les plus proches. Sur les 1791 cas répertoriés fin 1998, 1067 (60%) proviennent du Belarus.

Trois tranches d'âge au moment de l'accident ont été distinguées (0-4, 5-9, 10-14). C'est le fait que la dose à la thyroïde soit plus élevée pour les plus jeunes enfants (voir tableau 6 précédent) et la radiosensibilité de la thyroïde des enfants qui explique le plus grand nombre de malades. Dans cette gamme de doses élevées, l'incidence des cancers obéit à une loi quasi linéaire.

L'administration dans les heures suivant l'accident d'iode stable sous une forme quelconque aurait permis de saturer la thyroïde et d'éviter probablement l'apparition de ces cancers (comme cela fut fait très tôt en Pologne où des millions de personnes furent ainsi protégées). Une distribution eut lieu, anarchique et tardive; plus de 20% des liquidateurs auxquels il fut proposé d'en absorber, plusieurs jours après il est vrai, les refusèrent. Bien traité, ce type de cancer a un très bon pronostic. Des enfants ont été traités dans les hôpitaux de divers pays. Si le nombre de cas de cancers de la thyroïde est certainement supérieur à 2000, quinze ans après l'accident[21], le nombre de décès dus à cette affection n'est pas précisé dans le rapport de l'UNSCEAR. Le document (6) fait état de 6 décès sur 331 enfants opérés au Belarus. D'autres sources privées font état d'un maximum d'une dizaine dans l'ensemble des trois républiques. Ces décès auraient pu être évités ou retardés de plusieurs dizaines d'années avec un traitement précoce et adapté.

 

Cette épidémie se poursuit chez les adolescents et les jeunes adultes. Pour ceux qui étaient adultes en 1986, on constate, comme ailleurs, une augmentation très probablement liée au dépistage, car le cancer thyroïdien radio-induit n'existe pratiquement pas chez l'adulte. Trois cas de cancers papillaires ont été identifiés sur une cohorte de 1984 liquidateurs lituaniens, neuf ans après l'accident, ce qui correspond à une proportion normale. L'analyse des cas détectés chez d'autres liquidateurs montre que leur apparente augmentation résulte d'un effet de dépistage.

 

  3.3.3.   Les leucémies

Après irradiation, les leucémies sont considérées comme les cancers apparaissant le plus précocement (2 ans, avec un pic 6 à 8 ans après) . Or l'excès de leucémies attendu n'est pas apparu. Une lente augmentation du taux de leucémies en URSS avait déjà été constatée depuis 1981, notamment chez les personnes âgées. Elle se confirme, mais ce phénomène peut résulter d'un meilleur enregistrement des données et d'une meilleure surveillance médicale. Certaines études font l'objet de controverses mais sans qu'on ait trouvé de corrélation nette entre les leucémies apparues et le niveau d'irradiation. Le tout dernier document de l' UNSCEAR apparaît toutefois moins affirmatif et quelques années supplémentaires d'observation et d'analyse s'imposent avant de conclure. S'il existe un effet, celui-ci reste faible, en tout état de cause.

 

  3.3.4.   Autres tumeurs solides.

                          On peut s'attendre à un excès de tumeurs solides dans les années à venir dans les groupes les plus exposés : travailleurs d'urgence, liquidateurs intervenus en 1986-1987, populations des territoires contaminés ayant reçu plus d'une centaine de millisieverts. Cependant un tel excès n'a pas été encore constaté, ce qui peut s'expliquer par le temps de latence d'au moins dix ans nécessaire avant apparition de ces cancers et par le faible nombre prévisible de cancers en excès par rapport au nombre de cancers spontanément attendus. C'est ainsi que, parmi ces liquidateurs, une cohorte de 5 300 femmes a été étudiée et n'aurait mis en évidence aucune augmentation des cancers du sein.[22] Les causes de mortalité auraient été légèrement modifiées, mais de manière analogue dans les zones contaminées et non contaminées de l'ensemble de l'ex-URSS

 

  3.4.      Les affections congénitales

 

Les anomalies constatées à la naissance peuvent avoir deux origines : une origine héréditaire liée à une anomalie transmissible dans un gamète parentale, une origine tératogène, c'est à dire un événement survenant pendant la grossesse et entraînant une anomalie de l'enfant à naître. Toutes causes confondues, les affections congénitales sont présentes dans environ 10% des naissances, 3 à 4 % étant des anomalies congénitales graves. Une augmentation des effets tératogènes a été observée après des irradiations accidentelles ou thérapeutiques de femmes enceintes au premier trimestre de grossesse pour des doses abdominales supérieures à 250-500 mGy. Il n'y a pas de données humaines qui permettent d'établir la réalité et le niveau de l'excès d'effets héréditaires radio-induits. Concernant les suites de l'accident de Tchernobyl, les études conduisent à des résultats contradictoires difficiles à interpréter, la légère dérive observée sur les taux d'anomalies (polydactylies, anencéphalies, becs de lièvre, malformations diverses) n'étant pas corrélée au taux d'irradiation, et devant avoir aussi d'autres causes. De même, on a constaté une augmentation du nombre d'avortements spontanés et une baisse de natalité mais sans corrélation avec l'irradiation. Les enfants irradiés in utero semblent un peu moins développés intellectuellement et présenter davantage de troubles psychiques que les autres. Cependant, l’interprétation de ces études est délicate, car les critères utilisés sont difficilement quantifiables et ces observations peuvent être associées et attribuées à la plus grande fréquence des troubles psychiques de leurs parents.

 

  3.5.      Autres affections (psychologiques et autres).

 

Dès 1992, des affections non malignes de la thyroïde ont été découvertes dans la zone de Tchernobyl. Mais l'accident a surtout causé des désordres psychologiques importants (stress, anxiété) que l'on corrèle, pour la population, aux conséquences économiques et sociales des évacuations plutôt qu'au niveau d'irradiation. Des symptômes tels que maux de tête, dépressions, troubles du sommeil et déséquilibres émotionnels ont été rapportés et l'on a observé un développement intellectuel inférieur chez les enfants exposés in utero. Mais ces troubles ont pu être statistiquement associés au niveau de stress de leurs parents et non au niveau d'irradiation subi. Ainsi, ces conséquences sont-elles plus faibles chez les liquidateurs ayant déjà travaillé dans des zones contaminées avant l’accident que chez les autres.

 

De nombreux individus sont convaincus que l'irradiation est la cause la plus probable de leur mauvaise santé. Cette tendance à attribuer tous les problèmes rencontrés à l'accident a conduit à des attitudes passives favorisant le développement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. L'augmentation de la fréquence des accidents (traumatismes, accidents de la circulation) et des suicides a bien été mise en évidence.

 

  3.6.      Effets immunologiques

 

Il a été constaté que l'irradiation pouvait altérer plusieurs paramètres immunologiques sur des animaux de laboratoire, mais les effets observés sur les humains ne sont pas clairs. Le rapport de l'UNSCEAR cite sept études de cohortes différentes (enfants, pilotes d'hélicoptère, liquidateurs, etc.). La période prolongée durant laquelle des troubles de la fonction immunitaire ont été observés dans certaines cohortes n'est pas conforme à ce que l'on sait du rétablissement des fonctions immunitaires chez les animaux de laboratoire. Il est donc très probable que d'autres causes sont à rechercher pour expliquer les fluctuations de certains paramètres immunologiques dans différents groupes de sujets.

 

On a également noté une possible augmentation d'incidence des thyroïdites chroniques auto-immunes (pathologie bénigne évoluant vers l'hypothyroïdie).

  3.7.      Mortalité globale.

 

Le document de l'UNSCEAR ne donne aucune indication sur le nombre de personnes décédées d'un cancer de la thyroïde, ni de bilan global de décès pour d'autres causes. On sait que le taux de mortalité dans les pays de l'ex-URSS a augmenté depuis quinze ans (indépendamment du niveau d'irradiation), mais en l'absence de nouvelles tables de mortalité, on ne peut dire quel est le nombre "normal" de décès attendu dans la cohorte des 600 000 liquidateurs.

 

A titre d'exemple, en France, la mortalité annuelle chez les hommes de 20 à 39 ans varie de 132 à 245 pour 10 000, les décès par cancer représentant entre 4,3 et 32 pour 100 000 suivant les tranches d'âge. Sur une cohorte de 600 000 hommes résidant en France et âgés de 20 ans en 1986, le nombre total de décès entre 1987 et 2000 peut être estimé à un peu plus de 14 000.

 

  3.8.      Les coopérations médicales internationales

 

Les coopérations internationales se sont multipliées lorsque les premiers cancers de la thyroïde sont apparus, vers 1990, époque où l'URSS a commencé aussi à se désagréger. Elles ne peuvent être ici toutes mentionnées.

 

L'AIEA a organisé l'International Chernobyl Project permettant à des experts de diverses nations d'évaluer les conceptions soviétiques concernant la vie dans les régions contaminées.

 

En 1992-1995, l'OMS a conduit un programme international sur les effets sur la santé de l'accident (IPHECA), avec un certain nombre de projets pilotes dont un consacré à l'évaluation des doses reçues par les diverses populations concernées.

 

Entre 1991 et 1996, la Sasakawa Memorial Health Foundation a parrainé un vaste programme international de dépistage des enfants victimes de Tchernobyl. Des centres de diagnostic régionaux furent créés au Belarus (Gomel et Mogilev), en Russie (région de Bryansk) et Ukraine (Kiev et Korosten). Environ 120 000 enfants furent examinés.

 

Depuis 1990, 4506 enfants originaires de la région de Tchernobyl ont reçu des soins médicaux dans un Centre cubain. L'estimation de l'état de santé général n'a montré aucune corrélation avec leur niveau de contamination au césium.

 

Divers pays occidentaux ont également participé au dépistage et aux soins apportés aux enfants. L'Allemagne a surtout porté ses efforts sur le Belarus et la France sur l'Ukraine.

 

Créé en 1991 sous l'impulsion d'une ONG ("les enfants de Tchernobyl") avec le soutien de divers financements, le Centre franco-ukrainien de Kiev assure le suivi médical et épidémiologique d'enfants
(4 000 jusqu'en 1998) et d'adultes présents lors de l'accident à Pripiat ou dans la zone de 30 km entourant la centrale. Il suit aussi les enfants irradiés in utero, nés après l'accident de mère contaminée.

Ce Centre a pris en charge le voyage et les explorations et traitements complémentaires à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) de 29 enfants (18 filles et 11 garçons) qui avaient de six mois à neuf ans et demi lors de l'accident et s'avéraient porteurs d'un épithélomia thyroïdien papillaire. Les explorations ont montré des métastases ganglionnaires cervicales dans 24 cas et pulmonaires dans 11 cas. Sept ans après la découverte du cancer, 20 enfants étaient apparemment guéris ou en rémission, 6 avaient des adénopathies cervicales nécessitant une nouvelle intervention, 3 des métastases pulmonaires évolutives. Aucun décès n'est à déplorer à ce jour parmi ces enfants[23].

 

Les contacts pris à cette occasion ont montré la grave insuffisance du dépistage, trop tardif car non systématique, et la faiblesse des traitements en Ukraine, principalement dues à un manque de moyens.

 

  3.9.      Les Conclusions de la conférence de kiev

 

Pour éviter des déclarations contradictoires fondées sur des constats non vérifiés, le Secrétaire Général des Nations-Unies a convoqué à Kiev, du 4 au 8 juin 2001 toutes les Agences de l’ONU concernées à un titre ou un autre, qui ont chacune leur regard propre. Les conclusions confirment les analyses de l’UNSCEAR (documents de mai 2000 et avril 2001) tout en insistant sur la dégradation de la situation sanitaire dans les pays concernés, quelles quen soient les causes réelles.

 

Nous en reprendrons ici les conclusions.

 

Effets stochastiques

 

-L’augmentation des cancers de la thyroïde des enfants de moins de 18 ans au moment de l’accident ne fait aucun doute et doit être reliée à l’irradiation. On peut s’attendre à une augmentation future du nombre de tels cancers chez les liquidateurs qui sont intervenus en 1986.

-Il y a une tendance à l’augmentation des leucémies chez les liquidateurs qui ont travaillé sur le site en 1986-1987 et qui ont reçu des doses notables. Toutefois, un tel effet n’a été observé de manière significative que chez les liquidateurs russes.

-Chez les adultes ou les enfants vivant dans les territoires contaminés, aucune augmentation significative des leucémies n’a été observée.

-Bien qu’on observe une augmentation des tumeurs solides, il n’y a pas de corrélation prouvée avec le niveau d’irradiation subi, tant pour les liquidateurs que pour les populations évacuées ou déplacées.

-On a observé des changements stables des chromosomes des cellules somatiques. Une recherche s’impose pour déterminer si de tels changements peuvent avoir des incidences fâcheuses sur la descendance.

 

Effets déterministes

 

-Sur les 134 intervenants ayant reçu de 1 à 12 Gy sur l’ensemble du corps, 28 sont morts dans les trois mois suivants et 14 ultérieurement, de diverses maladies. On a observé sur les autres divers désordres somatiques différés, y compris des complications psychosomatiques et des dommages de la peau.

-On s’attend à un développement de cataractes chez les liquidateurs ayant reçu des doses élevées.

-Il semble qu’il y ait une augmentation des maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires et des désordres de la thyroïde (sans cancers) chez les liquidateurs en relation avec leur exposition, mais ce point doit être confirmé

 

Autres effets sanitaires

15 ans après l’accident, d’autres types d’effets sanitaires semblent être apparus ; d’abord des maladies neuropsychiques et cardiovasculaires, mais aussi :

-une détérioration de l’état de santé et une invalidité accrue des liquidateurs

-une diminution du taux de natalité et un surplus de complications durant la grossesse

-la mauvaise santé des nouveau-nés et des enfants

 

Ces effets peuvent avoir plusieurs causes, liées à l’accident[24], comme la détérioration des conditions socio-économiques, la résidence permanente dans des territoires contaminés, la diminution des ressources alimentaires, la déficience en vitamines, le déménagement, le stress psychologique.

 

Le rapport met ensuite l’accent sur l’importance des centres de « réhabilitation psychosociale », et sur la coopération internationale, avant de tirer des leçons de l’accident, dans le domaine médical : mauvaise prévention par de l’iode stable, mauvaise dosimétrie des liquidateurs, défaut d’information générale sur les conséquences de l’accident, contribuant ainsi au développement d’une psychose, insuffisante connaissance des praticiens sur les effets des rayonnements et les moyens de s’en protéger.

 

Recommandations de la Conférence de Kiev

La conférence demande qu’une attention particulière soit portée aux groupes qui ont été les plus exposés, depuis les intervenants ayant subi le syndrome du « mal des rayons » jusqu’aux femmes enceintes et aux enfants vivant dans les zones contaminées. Elle comprend que les conditions de vie résultant de l’accident ainsi que les changements intervenus en Union Soviétique ont eu des effets psychosociaux non liés à l’intensité des rayonnements subis mais contribuant au développement de maladies réelles. Il convient donc de prendre des mesures pour assister et conseiller ces populations.

Il est recommandé, prioritairement :

-d’établir des registres pour caractériser les indices importants de santé publique et, par l’analyse de différentes cohortes, identifier les changements intervenus pour voir s’ils sont liés à l’irradiation ou à d’autres causes.

-de diagnostiquer et traiter tous les types de cancers et les autres maladies (cardiovasculaires nerveuses, pulmonaires, endocriniennes, les désordres gastro-intestinaux et les maladies du système hématopoïétique)

-d’adopter des contre-mesures pour réduire l’exposition des personnes

-d’améliorer les infrastructures de soutien psychologique

-d’aider les populations à améliorer leurs conditions de vie par des mesures médicales préventives et une meilleure nutrition.

-D’assurer une bonne formation des médecins

 

La recherche devrait se concentrer sur divers thèmes :

- le suivi des personnes qui étaient des enfants ou étaient en gestation au moment de l’accident (suivi continu des cancers de la thyroïde)

- les études épidémiologiques (relations entre l’exposition et l’apparition de cancers) qui doivent être confirmées par des revues internationales entre spécialistes (pair reviews).

 

 


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  4.1.      Pays européens

 

Le rapport de l'UNSCEAR ne mentionne que des études concernant les affections tératogènes faites à Berlin, en Ecosse et dans les régions les plus contaminées de Suède. Toutes ces études, fondées sur un petit nombre de cas, ont été contestées par la suite. Les doses à Berlin et en Ecosse n'ont atteint que 10% du rayonnement naturel et aucun pic de trisomie 21 n'a été observé dans d'autres pays plus fortement contaminés (Belarus, Finlande).

 

Selon d'autres auteurs, la mortalité périnatale en Allemagne aurait augmenté significativement en 1987 ce qui a été attribué à l'accident de Tchernobyl. Ces résultats ont été remis en question lorsqu'on s'est aperçu que les doses d'irradiations dues au césium incorporé n'étaient que de 0.05 mSv. Aucune corrélation avec la dose d'irradiation n'a pu être observée en Bavière.

 

L'IPSN dans ses dossiers de presse fait état d'un article de la revue Nature en 1996 qui impute à Tchernobyl une augmentation du taux de leucémies en Grèce chez les enfants de moins d'un an à l'époque de l'accident, phénomène que le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) n'a retrouvé dans aucun autre pays d'Europe de l'Est ou d'Europe centrale.

 

Les experts de l'UNSCEAR ont focalisé leurs études sur les pays européens ayant eu des territoires assez étendus contaminés au-delà de 37 kBq/m2 (1 Ci/km2), comme indiqué au tableau 4 ci dessus, et donc pas sur la France. Examinons cependant la situation dans notre pays.

 

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4.2.        La contamination  du territoire national

 

De très nombreuses mesures ont été effectuées par l'OPRI, l'IPSN, la CRIIRAD et sans doute d'autres laboratoires. La carte départementale (fig 11) établie par l'IPSN confirme que la contamination en césium 137 diminue globalement lorsqu'on se déplace d'est en ouest. Les hétérogénéités locales sont plus accentuées : la nature du terrain (boisé ou découvert), l'altitude, le ruissellement mais surtout la pluie ont déterminé l'intensité de la contamination. Les dépôts par temps sec de Cs-137 sont de l’ordre de 1000 Bq/m2 , qui se surajoutent à la rémanence des retombées des essais atmosphériques d’armes nucléaires (2 000 à 3 000 Bq/m2. Mais les activités augmentent avec la hauteur des pluies survenues et peuvent atteindre 30 000 Bq/m2 sur les terrains ayant reçu 50 mm d’eau.

Ainsi :

  -           dans les régions de l'est où les précipitations ont dépassé 20 mm entre le 1er et le 5 mai, des Activités Surfaciques Rémanentes (ASR) de 10 000 à 12 000 Bq/m2 ont été constatées sur des prairies et surfaces agricoles.

  -           lorsque les facteurs aggravants sont combinés, des ASR de 20 000 à 37 000 Bq/m2 ont été relevés (Vosges, Jura, Alpes, Corse).

-des "points chauds" ont été mis en évidence dans le massif du Mercantour, sur des surfaces très réduites et des endroits peu accessibles, ce qui s’explique par un phénomène de concentration locale consécutive à la fonte des neiges. L'IRSN présente (réf 7) une cartographie détaillée des dépôts constatés dans le sud-est de la France, en particulier en Corse, dans la région de Solenzara où les précipitations ont pu atteindre 100 mm.

 

Le niveau réel de contamination du territoire français a fait l’objet de contestations diverses. Pour qu’un consensus puisse s’établir, les Ministres de la Santé et de l’Environnement ont demandé le 25/02/2002au Pr André Aurengo (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière) de présider un groupe de travail chargé de réaliser sous six mois la cartographie de la contamination du territoire français, et notamment de se prononcer sur le mode d’utilisation de ces informations afin de reconstituer les doses et les risques correspondants pour la population française.

 

Activités des productions agricoles et produits naturels

 

                          L'herbe et les légumes feuilles ont été les végétaux les plus touchés. Les transferts de radioactivité au lait sont intervenus en quelques heures et l'activité en iode 131 a pu atteindre localement 1000 Bq/l les premiers jours. L'activité du lait des brebis a été 2 à 3 fois supérieure du fait de leur alimentation.

 

L'activité en césium de la viande a mis 3 à 6 mois pour redescendre à 10 Bq/kg, sauf celle de certains sangliers (2 000 Bq/kg mesurés dans les Vosges[25]). Les champignons qui ont un vaste réseau souterrain à faible profondeur concentrent les minéraux et le césium. Leur contamination peut varier de 15 à 50 000 Bq/kg.

 

  4.3.      Les doses reçues par la population française

 

"La dose moyenne reçue[26] par les populations françaises estimée pour 1986 est comprise entre moins de 0.025 mSv dans l'ouest et 0.4 mSv dans l'est. En 1997, la dose annuelle est de l'ordre de 0.001 à 0.015 mSv, ce qui est 100 à 1000 fois inférieur aux doses dues à la radioactivité naturelle. Cette dose moyenne devrait encore diminuer. Dans la moitié est de la France, les doses équivalentes à la thyroïde en 1986 ont pu également être évaluées entre 0.4 et 2 mSv en moyenne pour les adultes, et de 3 à 16 mSv en moyenne pour des enfants de 5 ans.

 

Pour certains cas particuliers d'exposition, les doses calculées atteignent des valeurs de 1.5 mSv en 1986 et 1 en 1987 : elles correspondent à l'hypothèse extrême d'une présence prolongée à l'air libre sur des zones contaminées et d'une consommation quasi exclusive des aliments les plus contaminés aux époques considérées (produits laitiers en 1986, produits forestiers en 1987).[27]

 

L'accroissement d'irradiation globale résultant des retombées de Tchernobyl est donc très inférieur aux variations sur notre territoire de la radioactivité naturelle (sans parler de celle, bien supérieure due au radon dans certaines habitations). Les mesures de concentration en césium 137 de l'atmosphère, faites à Orsay depuis 50 ans, montrent par ailleurs que la part due à Tchernobyl ne représente qu'environ 2% de celle due aux essais nucléaires aériens des années de guerre froide.

 

  4.4.      Les effets sanitaires en france

 

Toute concentration dans un organe d'éléments radioactifs pouvant être néanmoins suspectée, la question d'une possible induction de cancers de la thyroïde en France due à l'iode-131 (les autres isotopes à vie courte ayant pratiquement disparu quand le nuage est arrivé sur la France) a été posée malgré la faiblesse des doses, cent fois moindre que celle des enfants du Bélarus. Il a été fait état, par l'IPSN, d'une augmentation des cancers de la thyroïde chez l'enfant dans la région PACA, pouvant être reliée aux conséquences de l'accident de Tchernobyl. Cette communication, à caractère non scientifique, a été ensuite rectifiée : en effet, le nombre plus élevé de cancers de la thyroïde inscrit dans les registres de la région PACA, après l'accident de Tchernobyl, n'avait qu'une origine technique. Quand on met en place un registre d'incidence des cancers, les premières années montrent des fluctuations liées à l'introduction de cancers diagnostiqués à différentes époques. C'est ce sur-enregistrement qui a été constaté. L'interprétation d'une augmentation vraie de l'incidence était donc erronée et a été rectifiée par les services compétents du ministère de la Santé. Les registres d'incidence des cancers de l'enfant établis plusieurs années avant l'accident de Tchernobyl ne mettent pas en évidence de variation imputable à l'accident, comme l'a montré une étude concernant la région Champagne Ardennes[28]. Une étude épidémiologique plus récente dans la région de Franche-Comté, aboutit au même résultat[29].

 

En fait, le nombre recensé de cancers de la thyroïde augmente lentement et régulièrement en France, depuis 1975, comme dans les autres pays européens ou aux Etats-Unis (non contaminés par Tchernobyl), mais la mortalité par ce type de cancer ne croît  pas. Cette augmentation (dont la "pente" a été d'ailleurs trouvée plus forte dans certaines régions les françaises moins affectées par les retombées de Tchernobyl !) et qui n'est donc pas propre à la France, traduirait simplement l'amélioration des moyens diagnostiques durant les dernières décennies, en particulier l'emploi de l'échographie.

 

Dans un communiqué commun de décembre 2000, l'IPSN et l'InVS, utilisant l'hypothèse d'une relation linéaire dose-effet sans seuil, chiffrent entre 7 et 55 le nombre de cancers de la thyroïde qui pourraient être imputés à l'accident sur la période 1991-2015 (pour 900 cas spontanés attendus)[30]. Ce calcul théorique a pour intérêt de donner une valeur maximum de l'effet recherché, mais ne vaut que ce que vaut l'hypothèse de linéarité, très contestée en tant que modèle prédictif (voir annexe). D'autre part, il utilise comme modèle de risque des données provenant d'irradiations externes faites à des débits de dose plus de mille fois supérieurs à ceux résultant de l'iode 131. Comme l'indique par ailleurs l'IPSN, "compte tenu des limites méthodologiques indiquées ci-dessus et des incertitudes sur l'existence d'un risque aux faibles doses, il est aussi possible que l'excès réel de risque de cancer thyroïdien, aux niveaux de dose considérés ici, soit nul."

Cependant, plusieurs centaines de personnes atteintes de cancers de la thyroïde s’estimant victimes des retombées en France de l’iode radioactif de Tchernobyl ont décidé de porter plainte contre l’Etat, qui n’aurait pas pris de mesures de précaution appropriées, et une information judiciaire a été ouverte le 3/07/2001[31]. On peut constater que les accusations portent sur la justesse des informations données sur les niveaux de contamination beaucoup plus que sur le niveau des risques réels encourus.

 

  4.5.      Rappel et reflexions sur la communication

 

C'est par le journal télévisé du lundi 28 avril 1986 que chacun prit connaissance en France d'un accident nucléaire survenu sur une installation soviétique. Le matin même, des détecteurs de radioactivité à l'entrée des centrales nucléaires suédoises avaient donné l'alerte : les employés étaient contaminés.

 

Le soir même, l'agence TASS reconnaissait l'existence d'un grave accident et précisait son origine : le réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl.

 

Le 29 avril, le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI)[32] dépendant du Ministère de la Santé faisait procéder à des prélèvements d'air par des avions de ligne survolant le nord de l’Allemagne et communiquait à l'Agence France Presse la composition des gaz radioactifs présents dans les couches atmosphériques traversées. Dès lors, le devenir des masses d'air contaminées, appelées improprement "nuage"[33] de Tchernobyl, allait passionner et inquiéter l'opinion, d'autant que des vents variables d'un jour à l'autre allaient disperser dans différentes directions des émissions qui ne furent maîtrisées qu'au bout de dix jours.

 

La France fut affectée par des produits radioactifs émis le 27 avril, qui parvinrent sur ses frontières du sud-est puis de l'est dans la nuit du 29 au 30, soit quatre jours après l'accident. Ils furent détectés par le réseau national de balises du SCPRI, les stations météo des centres du CEA et des centrales EDF, ainsi que par diverses autres stations (Monaco par exemple). Le 30 avril à minuit, le SCPRI envoya à l'AFP un communiqué indiquant "sur certaines stations du sud-est une légère hausse de la radioactivité atmosphérique, non significative pour la santé publique", ce qui fut rapporté par la presse du 2 mai. Il régnait alors en Europe et sur la France un régime instable de courants atmosphériques et les particules radioactives lessivées par des pluies locales se déposèrent en formant des taches radioactives irrégulières dont l'intensité locale ne put être constatée qu'ultérieurement. Toutefois l'action du temps et de la distance avait permis de diluer les matières en suspension. L'intensité des retombées était bien moindre que dans d'autres pays européens et d'un facteur 100 à 1000 fois plus faible que celle affectant certaines régions de l'URSS.

 

C'est le SCPRI qui, conformément à sa mission, effectua l'essentiel des mesures de radioactivité sur notre territoire (plus de 5000 du 30 avril au 31 mai), en évalua les conséquences sanitaires et assura la communication correspondante (un communiqué quotidien aux autorités et aux principales agences de presse), le CEA se chargeant de l'information sur l'accident lui-même et tentant, à l'aide de codes de diffusion atmosphérique, d'estimer l'importance probable des retombées sur notre sol. Des cellules d'information téléphonique furent ouvertes au public au SCPRI (24 heures sur 24) et au Siège du CEA. Le chef du SCPRI et le directeur de l'IPSN furent sollicités sur les ondes et à la télévision. Suite à l'émotion suscitée par l'accident, le ministre délégué chargé de la Santé et de la Famille, Mme Barzach[34], fit paraître le 16 mai deux communiqués :

 

"La Santé n'est aucunement menacée par les conséquences de cet accident. Les activités courantes peuvent donc être poursuivies sans précautions particulières, notamment :

- alimentation : les eaux habituellement potables, le lait, les produits alimentaires frais ou de conserve peuvent être consommés quel que soit l'âge du consommateur,

- activités en plein air : elles peuvent être menées sans modification (travaux divers, jeux, sports, promenade, baignade)"

 

"le déroulement des grossesses en cours ne nécessite aujourd'hui, à ce titre, absolument aucune précaution particulière"

 

L'encadré ci-après rappelle les actions de communication du SCPRI pour la période du 28 avril au 31 mai[35]

 

 

  -           1759 télex et 905 télécopies expédiés ou reçus

  -           réception de plus de 3500 appels téléphoniques

  -           distribution de plus de 500 consignes sanitaires aux préfets, DDASS, DDPC,  Centres anti-poisons, contrôles sanitaires aux frontières, médecins, pharmaciens et particuliers

  -           réception de 18 équipes (plus de 40 reporters et cameramen) de journalistes de presse, de radio et de télévision. Pour le seul 30 avril, 6 chaînes de télévision (dont 3 américaines et une japonaise).

 

Dans son rapport annuel pour 1986, l' IPSN écrit de son côté :

 

"La pression médiatique a été très importante et, en accord avec la Direction du CEA, la Direction de l'IPSN a joué dès le début la carte de la transparence et de la disponibilité maximales, pour les sujets ressortissant de sa responsabilité. Les principales actions de communication ont revêtu la forme d'émissions télévisées sur les chaînes françaises et sur des chaînes locales et étrangères ; de conférences de presse par le Directeur de l'Institut[36] ; de contacts téléphoniques ou directs avec des journalistes de toute la presse française et étrangère ; d'exposés audiovisuels au profit des ministères, de comités officiels, de sociétés savantes, d'EDF et Framatome, etc. ; de réponses à des questions du milieu médical ou de particuliers ; de l'élaboration et de la diffusion aux agences de presse et à la presse, de documents techniques dont le "rapport Tchernobyl" etc.

 

Ces bilans quantitatifs sur la communication, à première vue satisfaisants, tranchent avec l'image désastreuse qu'en ont donné les médias, mettant en question sa forme et/ou son contenu, ce qui montre sans doute qu'elle n'était pas adaptée à son temps. Les intervenants n'ont pas réussi à faire partager leurs convictions affichées sur le faible danger encouru par la population française. On peut invoquer plusieurs causes objectives :

 

  -           la gravité de l'accident était sans précédent connu à l'époque. L'accident de Three Mile Island en 1979 n'avait eu aucune conséquence radiologique hors de l'enceinte du réacteur, les seules victimes à déplorer provenant de l'affolement consécutif à une décision d'évacuation hâtive et mal gérée de la population. Quant à celui beaucoup plus ancien (1957) de Windscale en Grande Bretagne, il n'avait conduit qu'à détruire 3000 tonnes de lait, dont l'activité était supérieure au seuil défini alors, soit 3700 Bq/l.

  -           les réacteurs de type RBMK étaient mal connus et l'URSS ne donnait que très peu d'informations sur l'accident. Il fallut attendre quatre mois pour qu'une réunion organisée au siège de l' AIEA (en août) avec un spécialiste soviétique (le Dr Legassov) éclaire la communauté nucléaire mondiale. Le CEA/IPSN en fut donc réduit à émettre des hypothèses sur les évènements qui avaient pu survenir et leur gravité : défaut de refroidissement comme à TMI, excursion de puissance ?

  -           les retombées en France survenaient à la veille d'un "pont" démarrant le lendemain jeudi 1er mai, jour où la presse ne paraît pas (certains correspondants habituels étaient absents) et où l'activité du pays fonctionne au ralenti.

  -           le temps alloué aux interviews télévisés ne permet guère d'expliquer les fondements de la radioprotection et les multiples unités utilisées, certaines d'entre elles encore d'usage récent.

 

Mais il faut reconnaître aussi qu'il avait fallu improviser rapidement l'organisation de la communication officielle et que celle-ci fut jugée trop centralisée.

 

Les déclarations, plus qualitatives que quantitativement étayées, selon lesquelles les retombées en France ne présentaient aucun danger sanitaire heurtèrent les tenants de l'hypothèse de linéarité des effets aux doses sans seuil, qui considèrent que tout surcroît d'irradiation, même très faible, est nuisible à la santé[37]. Divers laboratoires universitaires effectuèrent de leur propre initiative des mesures de radioactivité dans l'environnement et publièrent leurs résultats bruts assortis de leurs commentaires. Ces actions furent à l'origine d'associations diverses, telles la CRII-RAD[38], qui participent aujourd'hui à certaines campagnes de mesures.

 

Hors de l'URSS, les pays européens exposés à la contamination radioactive prirent des mesures restrictives pour la consommation des produits alimentaires et les experts de la Communauté Européenne durent se réunir à plusieurs reprises (les 6, 16, 25 et 30 mai) pour définir des seuils d'activité massique acceptable pour les denrées alimentaires importées des pays tiers (le 6 mai, une valeur limite de 500 Bq/l en I-131 fut adoptée pour le lait, seuil, on le voit, beaucoup plus contraignant que celui admis en 1957 lors de l'accident de Windscale).

 

L'Allemagne en particulier, assez touchée dans certaines régions (Bavière notamment) prit sur l'ensemble de son territoire des mesures que le gouvernement français n'adopta pas. Une phrase dont l'origine mériterait d'être élucidée fut rapportée selon laquelle "le nuage n'avait pas traversé la frontière"[39]. Les critiques les plus récentes adressées au Professeur Pellerin, chef du SCPRI de l'époque, le conduisirent à porter par deux fois plainte pour diffamation, une première fois contre les auteurs d'un livre[40] (le tribunal se déclara incompétent sur le fond mais reconnut la diffamation), la seconde contre le député européen Noël Mamère et France Télévision. Le jugement de ce procès, gagné en première instance le 11/10/2001, a été confirmé en appel le 3/10/2001. L’arrêt précise « qu’il ressort du dossier que celui-ci (M.Pellerin) n’a jamais tenu de tels propos (sur le non-survol de la France par le nuage radioactif), et que sa position était de dire que le taux de radioactivité avait augmenté en France – ce qui signifiait forcémént que le pays avait été survolé _ mais que cette augmentation n’aurait aucune conséquence néfaste sur la santé publique, ce qui n’a toujours pas été réfuté avec certitude ».

 

Lors d’un accident inattendu et très médiatisé comme celui-ci, deux écueils doivent être évités : prendre des mesures de précaution excessives susceptibles de provoquer, du fait d’interprétations diverses, des paniques injustifiées entraînant des conséquences fâcheuses (un des risques est ici d’inciter indirectement à des interruptions volontaires de grossesse totalement infondées, comme il s’en serait produit dans plusieurs pays d’Europe[41]), et inversement tenir des propos trop rassurants laissant croire que l’on traite à la légère les questions de santé publique et que l’on cache l’ampleur des risques. Le « principe de précaution » tant invoqué de nos jours ne doit pourtant pas inciter les décideurs à se défausser d’un risque très minime où leur responsabilité pourrait être recherchée, en faisant courir en contrepartie des risques très supérieurs, mais les engageant moins personnellement. Mieux vaut sans doute privilégier de vraies mesures préventives.[42] et faire, en cas d’accident, la juste balance des risques plutôt que « d’ouvrir le parapluie ».

 

Dans son éditorial du bulletin de l'OPRI de décembre 2000, le Professeur Lacronique écrit :

"En tant que Président de l'organisme qui a succédé au SCPRI, il m'arrive souvent de devoir répondre à la question suivante: "Que feriez vous aujourd'hui si vous étiez confronté à un accident identique ?". Ma réponse est invariable: "Je ferais sans doute le même diagnostic sanitaire pour la France que mon prédécesseur en 1986. Mais comme nous sommes en l'an 2000 et que les attitudes ont changé depuis cette époque, je ferais ce qu'il ferait sans doute lui-même aujourd'hui à ma place, en multipliant les mesures de précaution, et surtout en faisant jouer les mécanismes de décision collective du réseau de sécurité du nucléaire français."

 

Nombre de grands médecins, constatant le nombre de morts imputables au tabac rien qu'en France depuis l'accident de Tchernobyl (près d'un million) et le peu d'écho de leurs mises en garde sur ce danger, s'étonnent des réactions que suscite la crainte d'un seul décès éventuel par cancer de la thyroïde (risque qu'ils réfutent). Mais sans doute la comparaison entre les risques librement consentis par les individus (certaines attitudes sont quasi suicidaires, ou involontairement meurtrières) et leurs exigences en matière de sécurité publique relève-t-elle plutôt du sociologue que du médecin.

 

Ils s'interrogent également sur leurs responsabilités en matière d'information et les moyens d'améliorer cette dernière[43] La création en janvier 2001 d'une Fédération des Enseignants de Radiobiologie, Radiothérapie et Radioprotection (FE3R) veut répondre à cette préoccupation. Encore faut-il que sa voix puisse se faire entendre.

 

Liste des Figures :

1 – Coupe du réacteur accidenté. (Source : rapport UNSCEAR)

2 et 3 – Panaches radioactifs des 26 et 27 avril. (Source : IPSN)

4 à 7 – Cartes de contamination en I-131. Sr-90, Pu, Cs-137 (Source : UNSCEAR)

8 –  Contamination de l'Europe. (Source : UNSCEAR, repris par IPSN)

9 – Exemple d'évolution de la contamination du lait de 1988 à 1997 (Source : IPSN)

10 – Evolution du nombre de cancers de la thyroïde. (Source : UNSCEAR)

11 – Contamination moyenne des départements français (Source : IPSN)

               Bibliographie

1              -  UNSCEAR 49° session, Vienne, 2-10 mai 2000 Annexe G (Exposures and effects of the Chernobyl accident)

2                 UNSCEAR 50° session, Vienne, 23-27 avril 2001. Radiation-related cancer resulting from the Chernobyl accident)

3 -              Tchernobyl 10 ans après. Dossier de presse IPSN 1986

4 -              Tchernobyl 13 ans après. Dossier de presse IPSN avril 1999

5 -              Tchernobyl 14 ans après. Dossier de presse IPSN avril 2000

6                          -              Tchernobyl 15 ans après Dossier de presse IPSN avril 2001

7                          -              Tchernobyl 16 ans après. Dossier de presse IRSN avril 2002

8 -              Tchernobyl Dix ans déjà. OCDE/AEN novembre 1995

9 -              4ème colloque "Nucléaire et santé : actualités" 25/01/2001

10               -              Evaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France : dispositif de surveillance épidémiologique, état des connaissances, évaluation des risques et perspectives. Rapport IPSN/InVS de décembre 2000

11               -              A.Aurengo et al Bull.Acad.Natle.Méd., 1998,182 n°5

11               3rd International Conference Kiev  4 to 8 june 2001 Health effects of the Chernobyl accident :Results of 15-year follow-up studies;Kiev; 4 to 8 june 2001

12                  -  Health effects of the Chernobyl accident :Tskyb, Ivanov (Russie); Ostapenko (Belarus);    Bebeshko, Bobyleva (Ukraine),Tirmarche (France).

                                                            

 

*********


 

Annexe :
LES EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR L'HOMME
(RAPPELS GENERAUX).

 

  1.         Les unités

L'activité (ou radioactivité) d'un corps mesure le nombre de transformations nucléaires spontanées qui se produisent par seconde en son sein, quelle que soit la nature du rayonnement émis : noyau d'hélium (alpha), électron (bêta), électromagnétique (gamma), neutron etc... On la mesure en Becquerels (1 Bq = une transformation par seconde), unité bien adaptée à la mesure des très faibles activités : le corps humain émet naturellement 100 Bq/kg environ (du fait des noyaux de K-40 et C-14 qu'il contient). On utilisait autrefois le Curie (Ci) = 3.7 1010 Bq (activité de 1 gramme de Radium-226), mieux adapté pour la mesure des très fortes activités : les rejets globaux de Tchernobyl s'expriment en millions de curies ou en peta (1015) ou exa (1018) becquerels).

 

La dose désigne une quantité de rayonnement. Suivant l'application visée, on distingue :

 

le Gray (Gy), unité de dose absorbée, qui correspond à un transfert d'énergie de 1 joule par kilogramme (c'est un unité du domaine de la physique, mesurable, utilisée par exemple en radiothérapie ou pour quantifier l'irradiation d'un organe donné), et le Sievert, unité de dose efficace, conçu pour un usage réglementaire, indicateur global du risque causé par une irradiation. La dose efficace est calculée en tenant compte de la nature des rayonnements et des tissus affectés. Les coefficients de pondération, définis par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) sont périodiquement révisés selon les progrès des connaissances. Le risque de cancer radio-induit augmente avec la dose efficace, mais selon une loi de probabilité mal connue et controversée, principalement pour les faibles doses et les faibles débits de dose (dose délivrée par unité de temps, exprimée en Sv/h ou mSv/h).

 

La notion de dose peut concerner le corps entier ou un organe particulier. Ce sont d'ailleurs les fortes doses à un organe qui ont causé la plupart des cancers professionnels (du poumon pour les anciens mineurs, des os pour des peintres de cadrans lumineux etc…). La source d'irradiation peut être d'origine externe ou interne (en cas de contamination, c'est à dire en cas d'absorption d'éléments radioactifs). Dans ce dernier cas, la réglementation définit des limites annuelles d'incorporation (L.A.I.). La L.A.I. pour un isotope fait intervenir dans le calcul des doses tous les organes dans lesquels l'isotope se répartit. Dans le cas de mélange d'isotopes on considère les doses à tous les organes cibles

 

L'équivalent de dose efficace est une grandeur calculée qui vise, en cas d'exposition non homogène d'un individu, à représenter l'exposition virtuelle homogène du corps entier (en équivalent de dose) supposée entraîner le même risque. La somme des doses efficaces reçues par chaque individu d'un groupe s'appelle dose collective de ce groupe. Elle s'exprime en hommes-sieverts (H.Sv). Compte tenu des incertitudes sur les effets des faibles doses, c'est une notion qui peut mal rendre compte du risque global réel d'une population soumise à des niveaux d'irradiation très différents d'un individu à l'autre.

 

  2.         Les effets déterministes

Ces effets nocifs se manifestent peu après l'irradiation (heures, jours, semaines) au-dessus d'un certain seuil de dose et leur gravité croît avec la dose. Il peut ne s'agir que de brûlure locale si l'irradiation est locale (la cataracte est un exemple d'effet déterministe). L'irradiation du corps entier à forte dose
(> 0.5 Gy) entraîne un "syndrome d'irradiation aiguë", scénario clinique caractérisé par un ensemble d'effets déterministes affectant divers organes ou fonctions organiques pouvant causer la mort. La dose dite létale (50% de chances de survie en l’absence de soins) est de l'ordre de 4 à 6 Gy pour un homme adulte en bonne santé.

 

              3.         Les effets stochastiques

Il s'agit ici d'effets tardifs des rayonnements (leucémies, tumeurs) dont la gravité est indépendante de la dose mais dont la probabilité d'occurrence croît avec la dose. La relation entre la probabilité et la dose, ainsi que l'existence (ou la non-existence) d'un seuil fait l'objet de nombreuses recherches.

 

Pour la prévention et les études d'optimisation de la radioprotection, la CIPR recommande d'adopter une loi de probabilité "linéaire", dont la "pente" est tirée de l'analyse de la mortalité des survivants d'Hiroshima et Nagasaki (cohorte dite [H,N]) : 100 leucémies et 400 cancers solides supplémentaires (par rapport à une population équivalente non exposée) apparus dans les 50 années suivantes sur une population suivie de 86 500 personnes. D'où, après une correction d'un facteur 2 pour tenir compte de l'effet majorant dû à la brièveté de l'irradiation lors des deux explosions atomiques, la valeur retenue de 0.05 cancer induit par Sievert, même dans les cas courants d'irradiation à de faibles débits de dose. Ainsi apparaîtrait statistiquement un cancer d'origine professionnelle parmi 50 employés recevant pendant 20 ans la dose limite annuelle autorisée de 20 mSv.

 

Mais cette relation linéaire est fortement contestée par de nombreux scientifiques en tant que modèle prédictif dans le domaine des "faibles doses" (moins de 100 ou 150 mSv). Plusieurs raisons sont avancées :

 

- Première raison : aucune étude épidémiologique n'a pu mettre en évidence l'existence d'un effet de l'irradiation naturelle malgré ses assez grandes variations d'un point à l'autre du globe (voir le tableau du § 5). Malheureusement les autres causes possibles d'induction de cancer liés au mode de vie (alimentation, alcool, tabac, etc.) masquent le phénomène recherché, s'il existe, et l'importance des écarts statistiques n'a jamais permis de conclure de manière sûre. De même, l'excès de leucémies et de cancers constaté dans la cohorte [H, N] concerne les survivants les plus exposés situés à moins de 3 km des "points zéro", non les moins exposés situés au-delà.

 

- Deuxième raison plus intuitive : une telle "loi" ne s'applique pas dans les situations courantes, par exemple pour les médicaments. La plupart d'entre eux sont des poisons à forte dose : si, par exemple, vingt cachets d'aspirine en une seule prise sont mortels, l'administration d'un seul cachet à vingt personnes différentes ne provoque aucun décès, pas plus que la prise d'un cachet par jour pendant vingt jours par la même personne, sauf rare contre-indication.

 

- Troisième raison : les études de cancérogénèse les plus récentes suggèrent l'existence de mécanismes d'induction à plusieurs étages : si les défauts créés par les rayonnements sur les gènes sont bien proportionnels à la dose, des mécanismes de réparation très complexes interviennent, impliquant toutes les populations cellulaires et les macromolécules conjonctives du tissu irradié ainsi que les cellules sanguines qui participent à sa défense. Cette défense fait intervenir de très nombreux gènes, ce qui n'est pas compatible avec l'extrapolation à l'induction du tissu cancéreux des défauts créés par l'irradiation sur un ou quelques gènes d'une unique cellule irradiée.

 

Déjà, en 1989 et 1995, l'Académie des Sciences française  avait contesté la baisse de 5 à 1mSv/an de la "norme population" recommandée par la CIPR et reprise par une directive européenne et à laquelle la France ne pouvait que souscrire.

 

En janvier 2000, le président de la CIPR, mettant en balance les risques dus à l'irradiation des populations de l'ex-URSS et les autres conséquences sanitaires et sociales des évacuations, proposait d'ailleurs de revoir à l'avenir dans un sens moins restrictif les diverses normes actuelles.

 

En conclusion il apparaît déraisonnable, dans le cas de faibles doses intéressant de très nombreuses personnes, d'évaluer un nombre de cancers radio-induits en multipliant la dose collective de la population exprimée en H.Sv par le coefficient 0.05 indiqué ci-dessus.

 

  4.         Les effets héréditaires

Il convient de distinguer les effets tératogènes qui concernent le développement du fœtus et les effets mutagènes qui résultent de l'exposition des cellules germinales :

-les effets tératogènes sont des malformations qui surviennent en cas d'exposition importante de la mère pendant la grossesse. Ils ont été observés chez les enfants irradiés in utero par les explosions d'Hiroshima et Nagasaki et concernent uniquement le développement de la boîte crânienne et du cerveau,

  -           les effets mutagènes proviennent d'une lésion au niveau des chromosomes ou des gènes des parents. Les deux explosions ci-dessus n'ont mis en évidence aucune augmentation des malformations des descendants des personnes irradiées. Il en est de même dans des populations vivant depuis des siècles dans des zones soumises à une forte irradiation naturelle.

 

  5.         Les principes et normes de radioprotection.

Ils sont définis par la CIPR et retranscrits dans le droit communautaire puis dans le droit français. La dernière révision date de 1991 (CIPR 60), la directive Euratom de 1996 et le décret du 8/3/2001.

Le système  de protection radiologique est basé sur trois principes:

                justification (des avantages doivent largement compenser les inconvénients)

optimisation (les doses doivent être "aussi basses que raisonnablement possible" – ALARA)

limitation (les doses individuelles doivent être inférieures à certaines valeurs-limites)

Ces limites, applicables aux irradiations résultant des activités humaines, sont les suivantes :

- pour les travailleurs : 100 mSv sur cinq années consécutives sans dépasser 50 mSv sur douze mois, soit en moyenne 20 mSv/an.

- pour le public : 1 mSv/an. (exceptionnellement davantage si la moyenne sur 5 ans ne dépasse pas 1 mSv)

 

Toutefois, en cas d'accident entraînant une contamination importante de l'environnement, le critère d'évacuation de la population est beaucoup moins contraignant. Aucune évacuation n'est organisée au-dessous d'un risque d'irradiation de 50 mSv.

 

  6.         Expositions courantes au rayonnement

Le tableau ci-dessous, tiré des rapports de l'UNSCEAR et de l'Académie des Sciences résume les différentes sources d'exposition pour l'homme et les intensités correspondantes (source : Société Française de Radioprotection).


 

 

Valeurs

moyennes

Valeurs courantes

en France

Valeurs extrêmes

dans le monde

Radioactivité naturelle

Exposition externe naturelle

– origine cosmique (1)

– origine terrestre (2)

 

Exposition interne naturelle

– potassium 40 (3),C-14

– Plomb, Bismuth+Polonium (4)

– Radon et descendants (5)

Total

 

 

0,36

0,41

 

 

0,18

0,12

1,26

2,33

 

 

0,3 à 2

0,05 à 1,5

 

 

0,18

0,12

0,2 à 60

 

 

55 (cosmonautes)

175 (Brésil)– 400 (Iran)

 

 

 

 

500 (Suède, France)

Radioactivité due aux activités humaines

– origine médicale (6)

– essais nucléaires aériens (7)

– industrie nucléaire (8)

Total

 

1

0,1

0,02

1,12

(1) augmente avec l'altitude (+0,3 mSv de 0 à 2000m)

(2) dépend de la nature du terrain (teneurs en uranium, thorium)

(3) La concentration en potassium, qui a une teneur fixe en K-40, est une constante biologique

(4) par voie alimentaire

(5) des locaux mal ventilés dans des zones granitiques peuvent conduire à des doses importantes et les Communautés Européennes recommandent de prendre des dispositions au-dessus d'une concentration de 400 Bq/m3 qui n'est pas rare (et qui pourrait correspondre à une dose de 10 mSv en cas d'exposition 24h/24)

(6) pour les besoins du diagnostic uniquement

(7) cette irradiation diminue avec le temps depuis la fin des essais aériens

(8) hors situation accidentelle


  7.         Activités couramment rencontrées dans la nature

 

 Référence : Pharmaciens et nucléaire, février 1995

Radioactivité naturelle

Radioactivité artificielle

Milieu terrestre

  Plantes (Bq/kg poids sec)

  Sol (Bq/kg poids sec)

  Lait (Bq/l)

 

2000

1500

30

 

1 à 10

1 à 15

0.1 à 0.5

Milieu aquatique

  Plantes (Bq/kg poids sec)

  Sédiments(Bq/kg poids sec)

  Poissons (Bq/kg poids frais)

 

1300

1500

400

 

3 à 200

2 à 30

1à 5

 

Eau de rivière

Eau de pluie

Eau de mer

Charbon

Sol sédimentaire

Sédiments Isère (K 40)

0.3 Bq/l

0.3 à 1 Bq/l

12 Bq/l

250 Bq/kg

400 Bq/kg

1000 Bq/kg

Béton

Briques

Plâtre

Croûte terrestre

Engrais phosphatés

Sol granitique

700 Bq/kg

1000 Bq/kg

1000 Bq/kg

2000 Bq/kg

5000 Bq/kg

8000 Bq/kg

 

 



[1] On a appelé "liquidateurs" (terme d’origine française utilisé en russe) les divers civils et militaires intervenus sur le site après l'accident pour divers travaux d'assainissement.

[2] Voir à ce propos la publication de l'Institut de Veille Sanitaire (InVS) et de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) de décembre 2000.

[3] Ce comité, créé en 1955 pour analyser les effets sanitaires des essais atomiques aériens, a étendu son champ de compétence aux rejets radioactifs de toutes natures. Il réunit actuellement des scientifiques de haut niveau de 21 pays et s’appuie sur l'expertise de centaines d'experts.

[4]Le rapport de ce Bureau a pour objectif de récolter des fonds pour financer un programme d'aide aux territoires les plus contaminés.

[5] lettre du 8 juin 2000

[6] D’autres experts ont également participé aux travaux, notamment Margot Tirmarche de l’IPSN.  

[7] Comment rester sans réaction devant les excès de certaines émissions de télévision! Que l'on puisse, par exemple, présenter des photos bien connues de fœtus en bocaux, victimes de la thalidomide, pour les imputer à Tchernobyl est scandaleux et devrait pouvoir être sanctionné. De même, l'émission du 12/10/2001 sur FR3, "Tchernobyl, autopsie d'un nuage" a suscité les réactions indignées de sept sociétés savantes, compétentes en radiologie et biophysique.

[8] Citons aussi les diverses communications du 4ème colloque "Nucléaire et Santé" (25 janvier 2001)

[9] L'annexe G du rapport de l'UNSCEAR (expositions et effets de l'accident de Tchernobyl) comporte plus de quatre cents références.

[10] En 1972, dans le cadre d'un accord général d'information entre le CEA et son homologue soviétique (le GKAE), nos physiciens avaient pris connaissance des projets RBMK et de cette particularité et avaient mis en garde leurs interlocuteurs contre ses dangers. Une mission britannique avait, elle aussi, fait les mêmes remarques. Le GKAE était donc bien conscient de l’existence d’un risque.

 

 

[11] Le Xénon-135 est un produit de fission de 9.2 h de période, extrêmement avide de neutrons, dont la teneur dans le combustible se modifie lors des variations de puissance du réacteur. Son augmentation (ou sa diminution) modifie à son tour le coefficient multiplicateur local de la réaction en chaîne et en conséquence la distribution des neutrons dans le réacteur.

[12] La partie active du cœur  se réduisait à une galette plate de grand diamètre, très instable radialement, conduisant à des premiers dégâts sur quelques canaux seulement.

[13] C'est nous qui soulignons. Ajoutons que Valery Legassov, avant de se suicider, avait dans un testament reconnu les mêmes travers.

[14] source: note IPSN de décembre 2000 et réf 7

[15] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen

[16] Technical Assistance to the Community of Independent States (721 millions d'euros engagés de 1991 à 1999 pour 650 projets).

[17]  Pierre Tanguy, Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire à EDF

[18] Ce paragraphe prend ses sources dans la référence (6)

[19] Lire aussi l'exposé de A.Flüry-Hérard au 4ème colloque "Nucléaire et santé"  

[20] Plus la période est courte et plus le débit de dose délivré par l'isotope ingéré est élevé.

[21] Soit deux ans après le bilan établi par l'UNSCEAR

[22] Le rapport de l'UNSCEAR d'avril 2001 est moins affirmatif et laisse entrevoir une légère augmentation de la fréquence du cancer du sein entre 1993 et 1997.

[23] Bull.Acad.Natle.Méd.,1998, 182 n°5, A.Aurengo et al

[24] Le rapport ne cite pas dans ce § d’autres causes de stress liées aux changements politiques et économiques intervenus.

[25] A titre de comparaison, à la même période, des activités supérieures à 10 000 Bq/kg ont été retrouvées dans des sangliers de Bavière; le ministère de la santé bavarois n'a pas interdit la consommation de ces animaux mais seulement leur vente.

[26] du fait de l'accident de Tchernobyl, il s'agit ici de la dose efficace, avec un coefficient de pondération du tissu thyroïdien de 0,05.

[27] Dossier de presse IPSN "Tchernobyl, 14 ans après" (page 36).

[28] Colloque Nucléaire et Santé du 25/01/2001 Communication de M.C.Schvartz.

[29] Communiqué de presse d’octobre 2001 du Pr J-F Viel, responsable scientifique, Dr F.Mauny, chargé de la mise en œuvre de l’étude, Dr M. Olivier-Koehret, président du comité de pilotage.

[30] Rapport IPSN/InVS de décembre 2000.

[31] La juge d’instruction, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a fait procéder à diverses perquisitions en début d’année 2002.

[32] Transformé ultérieurement en OPRI (Office de Protection etc).

[33] Les spécialistes utilisent le terme de "panache" (en anglais "plume") qui ne préjuge pas de son hygrométrie.

[34] Le premier gouvernement de « cohabitation » qui faisait suite aux élections du 16 mars 1986 avait un mois d’existence

[35] document SCPRI du 11/06/1986 (Accident de Tchernobyl. Récapitulatif).

[36]  François Cogné, (dont une conférence de deux heures tenue le 2 mai conjointement avec l'Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire d'EDF, Pierre Tanguy).

[37] Les milieux antinucléaires considèrent démontré ce qui, en l'état actuel des connaissances, n'est qu'une hypothèse adoptée à titre de précaution (voir annexe).

[38] Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la Radioactivité

[39] S’agit-il d’un commentaire ironique ou d’une véritable déclaration maladroite et mal comprise ?

[40] Hélène Crié, journaliste, et Michèle Rivasi, députée, fondatrice de la CRII-RAD

[41]On a fait état de plusieurs dizaines de milliers d’IVG (rapport IPSN « Tchernobyl, dix ans après », reprenant des articles de « Biomed et Pharmacother » de 1991 sur le Danemark et l’Italie, et du « British Medical Journal » de 1987 sur la Grèce)

[42] Un exemple de précaution bien comprise a été d’imposer aux constructeurs des REP l’installation de filtres à sable permettant de piéger les iodes et césiums en cas d’accident grave (cf ci-dessus §1.7). Cette mesure, propre aux réacteurs français, a été imposée justement par le Pr Pellerin.

[43] Santé et Rayonnements Ionisants (mai 2001). Editorial du Professeur Tubiana